Au Burundi, la vie paisible de Gabriel, 9 ans, prend des allures plus inquiétantes lorsque les tensions montent entre Tutsis et Hutus. Un beau film à hauteur d’enfant, âpre et dur par moments, sur l’arrivée de la haine et ses conséquences. Éric Barbier (La promesse de l’aube) adapte le roman de Gaël Faye
Gabriel vit à Bujumbura, capitale du Burundi, avec sa petite sœur, son père et sa mère. Son père (Jean-Paul Rouve, magistral) est un Belge installé en Afrique depuis pas mal d’années, le genre de vieux routard/entrepreneur qui se sent chez lui partout. Il ne se dirait certainement pas nostalgique des colonies, mais son attitude débonnaire avec ses serviteurs, son aisance matérielle et une certaine forme de paternalisme jouent quand même de ces vieux codes-là. C’est un père attentif aux besoins de ses enfants, et très présent. Ce qui n’est pas tellement le cas de la maman, Rwandaise installée au Burundi, qui passe en coup de vent et se dispute amèrement avec son mari. Gabriel va à l’école, a une bande de copains avec laquelle il parcourt la campagne, se reposant dans leur « QG », un van abandonné en pleine brousse. Là, ils discutent avec animation, et certains ont déjà des idées politiques bien arrêtées. C’est lors d’une de ces discussions que Gabriel entend parler pour la première fois de Tutsis et de Hutus, et de camp à choisir.
L’histoire du génocide des Tutsis et Hutus modérés au Rwanda, nous la connaissons, au moins dans ses grandes lignes. Nous en avons sans doute toutes et tous des images et le cinéma nous a déjà proposé plusieurs films sur le sujet. Petit pays, par sa chronologie tendue, tourne, lui aussi, autour du génocide, mais il se démarque par son approche. En s’intéressant aux troubles burundais qu’on connaît nettement moins, il propose un traitement « de biais » qui n’en est pas moins fort. Une violence sourde s’empare peu à peu de toute une région, et le film montre avec beaucoup d’intelligence l’impact d’un climat de haine sur des enfants qui subissent la dureté de la situation sans pouvoir en prendre la mesure, ni même comprendre ce qui se joue. La force du film, son noyau dur, est d’ailleurs de s’arrimer aux enfants, Gabriel en tête, mais aussi sa petite sœur, et de ne jamais les lâcher. L’on comprend ainsi, intimement, à la fois ce qui se joue et ce qui ne peut que les dépasser, et l’émotion nous gagne inexorablement face à la tragédie des adultes et aux destinées chahutées des enfants. Bouleversant.
Les Grignoux
Une analyse en éducation permanente, réalisée par les Grignoux, est également disponible sur ce film et le contexte évoqué.