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Une analyse proposée par les Grignoux
et consacrée au dessin animé
Le Vent se lève
de Hayao Miyazaki
Japon, 2013, 2h06


L'analyse proposée ici s'adresse aux spectateurs du film Le Vent se lève de Hayao Miyazaki, qui souhaitent une réflexion plus approfondie à son propos. Elle retiendra également l'attention des animateurs en éducation permanente qui voudraient réfléchir avec des groupes de spectateurs sur la dimension historique de ce dessin animé inspiré de faits réels, même s'ils font l'objet d'une importante transposition esthétique.

Le film

Dernier film de Hayao Miyazaki (Ponyo sur la falaise, Le Château ambulant, Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoke), qui a annoncé son départ des studios Ghibli pour prendre sa retraite, Le Vent se lève est une grande fresque historique et biographique couvrant la première moitié du XXe siècle au Japon.

Le Vent se lève raconte de façon romancée la vie de Jir Horikoshi, jeune garçon passionné d'aéronautique qui deviendra un brillant ingénieur dans ce domaine: il concevra en particulier le chasseur-bombardier Zéro (plus exactement, le Mitsubishi A6M), l'avion japonais le plus célèbre de la Guerre du Pacifique. Dans ses rêves, Jiro vole comme un oiseau, rencontre un génial concepteur d'avions et monte à bord d'engins fantastiques, mais il devra composer avec une réalité beaucoup plus sombre, celle de l'expansion militaire nippone qui aboutira à la Seconde Guerre mondiale et à la destruction du Japon. Le film rend également compte d'évènements historiques importants ayant marqué la vie de Jiro et de ses contemporains comme le séisme de 1923 à Tokyo et l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale, dans laquelle Jiro le rêveur jouera malgré lui un rôle important.

Chef-d'œuvre esthétique, Le Vent se lève est d'abord la peinture d'une passion, celle de l'aéronautique à laquelle Jir consacrera toute sa vie. Loin de tout manichéisme, le film dresse cependant un portrait tout en nuances de son personnage principal conscient de la guerre qui arrive mais qui ne fait rien pour s'opposer à ce désastre.

C'est aussi un éloge bouleversant du sentiment amoureux, à travers l'histoire unissant Jir et Nahoko, adorable jeune fille passionnée de peinture et de poésie mais atteinte de tuberculose. Son destin tragique marquera à jamais le jeune ingénieur follement épris d'elle.

Destination

Le Vent se lève s'adresse à un large public qui sera sans doute intéressé aussi bien par la relation amoureuse entre les deux personnages principaux que par la description de la passion pour l'aéronautique du jeune Jiro dans le contexte historique particulièrement troublé de l'entre-deux-guerres et de la montée du militarisme au Japon.

Un film dans l'Histoire ?

Le Vent se lève évoque la carrière d'un ingénieur aéronautique japonais, Jiro Horikoshi, né en 1903 et décédé en 1982. Comme on le sait, il fut le concepteur du fameux chasseur-bombardier « Zéro » (dont la désignation officielle est Mitsubishi A6M). Le réalisateur du film, Hayao Miyazaki, est quant à lui né en 1941 à Tokyo, et l'on peut supposer qu'il a dû entendre parler de cet avion et de son concepteur pendant son enfance et son adolescence : si, comme beaucoup d'enfants, il a certainement été fasciné par ces histoires d'aviation, il a par la suite affirmé des convictions pacifistes (mais aussi écologiques) très éloignées de celles qui ont dominé la période du militarisme japonais et qui allaient précipiter le pays dans la guerre (d'abord contre la Chine puis contre les puissances alliées). Le Vent se lève est sans aucun doute critique vis-à-vis du personnage de Jiro qui ne se préoccupe que très peu de l'usage qui sera fait de ses inventions ; mais il exprime aussi la fascination que l'enfant Miyazaki a pu éprouver pour une aviation en plein développement, notamment après la Première Guerre mondiale.

Pour les spectateurs qui, pour la plupart sont plus jeunes sinon beaucoup plus jeunes que Miyazaki, la distance temporelle est sans doute beaucoup plus grande, et l'époque évoquée - les années 1920 et 30 - est très éloignée, pratiquement disparue et sans lien avec le présent. On peut également y ajouter la distance géographique et sociale, le Japon étant un pays éloigné de l'Europe, avec ds traditions et une roganisation plus ou moins éloignées des nôtres. L'on propose donc de revenir ici sur cette période historique, apparemment très éloignée, d'abord pour mesurer la part de la vérité et celle de la fiction dans le film de Miyazaki, ensuite pour mieux comprendre quelle aventure - intellectuelle, physique (pour les pilotes), émotionnelle et humaine - a pu être l'invention et le développement de l'aviation, cet aspect d'aventure expliquant évidemment la fascination que traduit de façon plus ou moins explicite Le Vent se lève.

Analyse

La question de la vérité et de la fiction constitue certainement une approche pertinente de la dimension historique du film de Miyazaki. Autrement dit,

Qu'est-ce qui est vrai dans Le Vent se lève ? Qu'est-ce qui est inventé ?

On peut ainsi relever facilement quelques éléments du film qui sont plus ou moins problématiques :

  • Caproni, l'ingénieur que Jiro rencontre dans ses rêves : a-t-il réellement existé ? Qui est-il ? Qu'a-t-il fait ?
  • Les avions de Caproni : ces avions ont-ils réellement existé ? Ont-ils réellement volé ? Quand ont-ils été réalisés ?
  • Les usines Mitsubishi : ces usines ont-elles existé ? Depuis quand ? Est-ce la même marque de construction de voitures que l'on connaît encore aujourd'hui ?
  • La conception et la réalisation d'avions par Jiro : de quels avions s'agit-il exactement ? En quoi étaient-ils « révolutionnaires » ? Quand et comment furent-ils utilisés ? Et le bombardier construit par son collègue Honjo est-il authentique ? Peut-on retrouver de quel modèle il s'agit ?
  • Les usines Junkers : ont-elles réellement construit l'énorme avion qu'on voit dans le film ? S'agit-il d'une grande firme de construction d'avions ?
  • Le chasseur bombardier « Zéro » : de quel avion s'agit-il exactement ? Pourquoi est-il célèbre ? Que sont devenus ses pilotes ? Ont-ils vraiment tous disparu et pourquoi ?
  • Le cimetière d'avions à la fin du film : un tel cimetière existe-t-il ? Est-ce seulement un rêve ? À quoi cela correspond-il dans la réalité ?
  • Le tremblement de terre : est-ce vraiment arrivé ? Quand ? Quels furent les dégâts ? Une telle catastrophe est-elle encore possible ?
  • La maladie de Nahoko : de quelle maladie s'agit-il ? Est-ce une maladie grave ? Pourquoi doit-elle aller à la montagne ?

Dans un premier temps, chaque spectateur peut réagir à ces différentes questions en se basant sur ses propres intuitions et ses propres connaissances. Ainsi, beaucoup d'entre nous auront sans doute déjà entendu le nom du « Zéro », et la description du métier d'ingénieur de Jiro semble suffisamment réaliste pour qu'on puisse croire qu'il est bien le concepteur de différents avions vus dans le film. Et la tuberculose est sans doute une maladie bien connue même si aujourd'hui sa gravité est sans doute minimimsée. D'autres points méritent une recherche historique.

On ne répondra pas ici à toutes les questions, mais on donnera des indications sur les points les plus problématiques.

Giovanni Battista Caproni

Né en 1886 et décédé en 1957, Caproni est un personnage bien réel ! Cet Italien a fait des études d'ingénieur et il a conçu dès 1910 son premier avion, un biplan. C'est l'époque des tout débuts de l'aviation : le premier vol motorisé avait été effectué par les frères Wright en 1903 ; puis de nombreux autres inventeurs se sont lancés dans l'aventure, et, en 1909 notamment, Louis Blériot réussit à traverser la Manche à bord d'un avion monoplan qui vole à un peu plus de 60 km/h ! Mais c'est surtout la Première Guerre mondiale qui va permettre le développement de l'aviation : d'abord utilisés comme outils de reconnaissance (permettant de prendre des photos aériennes), les avions vont rapidement être armés de mitrailleuses et se transformer en instruments de chasse mais aussi de bombardement. Les militaires dans tous les pays vont financer la recherche aéronautique et le développement d'avions plus rapides ou plus puissants (capables notamment d'emporter plus de bombes).

Dans ce contexte, Caproni va construire à partir de 1911 des avions de reconnaissance monoplans mais également des avions plus lourds, biplans et trimoteurs, qui seront utilisés pour le bombardement par l'Italie mais aussi par ses alliés français, britanniques et américains[1]. On reconnaît notamment dans Le Vent se lève le Ca.32 avec ses bombes sous les ailes et son poste de mitrailleur ouvert à l'avant.


Caproni à l'avant de son avion Ca.32

Après la Première Guerre mondiale, Caproni sera convaincu du développement possible de l'aviation de transport civil, et, en 1921, il va construire un gigantesque hydravion, le Ca.60, destiné à emporter cent passagers dans des vols transatlantiques : il était composé de trois fois trois ailes superposées et équipé de huit moteurs à hélice ! Après une première séance d'essais sur le Lac Majeur, l'avion s'est cependant écrasé le 4 mars lors d'une tentative de décollage, comme on le voit dans Le Vent se lève.


Le Ca.60 sur le Lac Majeur avant son accident

Cet échec retentissant n'empêchera pas Caproni de poursuivre sa carrière d'ingénieur aéronautique et d'imaginer d'autres avions comme le Ca.90, un énorme bombardier biplan construit en 1929 dont on voit également la silhouette dans Le Vent se lève. Il va par ailleurs transformer ses entreprises en un grand groupe industriel avec des implantations en Italie (dans la région de Naples) mais également dans d'autres pays.


Le Ca.90 vu par Miyazaki

On signalera encore que dans les années 1930, les usines Caproni ont développé un bimoteur de reconnaissance aérienne, largement utilisé par l'Italie fasciste pendant la Seconde Guerre mondiale, le Ca.309 surnommé « Ghibli », un nom d'origine arabe (qibli) désignant un vent chaud venu du désert : c'est le nom que le réalisateur Miyazaki donnera à sa société de production, les studios Ghibli, vraisemblablement en hommage à CaproniŠ

Mais pourquoi autant d'ailes ?

Les ailes d'un avion assurent sa portance conjointement avec le moteur (d'hélice ou à réaction), mais, au début de l'aviation, les moteurs étaient très peu puissants et des ailes importantes devaient suppléer à cette faiblesse (comme dans les planeurs). Cependant des ailes de grande envergure doivent être relativement lourdes pour être solides. L'utilisation d'ailes en biplan ou même en triplan permet donc d'augmenter la portance sans trop alourdir l'avion. Par la suite, des moteurs plus puissants et des matériaux plus résistants que le bois et la toile largement utilisés au début de l'aviation ont favorisé les monoplans.


1. Pour rappel, l'Italie qui refuse d'entrer en guerre en août 1914 s'engage finalement aux côtés des Alliés, France et Grande-Bretagne (puis États-Unis à partir de 1917) en mai 1915. De violents combats opposeront notamment les Italiens aux Autrichiens dans les Dolomites.

Les avions de Jiro

Dans Le Vent se lève, Jiro travaille principalement à la conception de deux avions : le premier est le Mitsubishi A5M, un avion embarqué sur porte-avions. C'était un avion très novateur, entièrement en métal, monoplan, avec des rivets sans aspérités mais doté d'un train d'atterrissage fixe (non-rétractable) et capable de voler à 450 km/h. On voit seulement voler le prototype de cet avion qui se caractérise par des ailes pliées en w qu'on ne retrouvera pas dans la version finale.


le prototype du Mitsubishi A5M

Le second est le chasseur-bombardier Zéro. On verra une escadrille de Zéros à la fin du film dans le rêve final de Jiro où il rencontre pour une dernière fois Caproni, mais on ne verra pas l'ingénieur au travail sur cet avion : on assistera seulement à une réunion de tous les techniciens à qui il explique le caractère novateur de cet avion dont le poids reste cependant un problème (ce qui impliquerait de supprimer les mitrailleusesŠ). On doit comprendre qu'il a construit cet appareil après le départ et sans doute la mort de Nahoko. Toute cette période de travail n'est donc pas représentée dans le film, comme est également pratiquement absente toute représentation de la guerre (sauf quelques brèves images).


une escadrille de Mitsubishi A6M « Zéros »

Son collègue Honjo, quant à lui, a conçu un bombardier Mitsubishi, le G3M reconnaissable notamment à son double empennage vertical en queue.


le bombardier Mitsubishi G3M

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'A5M construit par Jiro était déjà un avion dépassé ; en revanche, le chasseur Zéro était le meilleur avion japonais, supérieur même aux avions américains embarqués sur les porte-avions en 1941 (par la suite, les Américains ont construit d'autres avions plus performants). Ces avions ont participé notamment à l'attaque contre la base aéronavale américaine de Pearl Harbor, puis aux nombreuses batailles dans le Pacifique entre les flottes alliées et japonaises.

Enfin, les Zéros ont été utilisés (avec d'autres avions) dans des missions-suicides contre les navires américains qui se rapprochaient du Japon : ce sont les fameux kamikaze qui ont attaqué les flottes alliées à partir d'octobre 1944. Environ 2 800 attaques kamikaze ont ainsi été menées, coulant 34 navires, en endommageant 370 autres et tuant 4 900 marins (selon les chiffres de la Navy américaine). C'est sans doute en référence à ces missions-suicides que Jiro affirme que ces avions sont partis mais qu'ils ne sont pas revenus : cette affirmation ne doit évidemment pas être prise au pied de la lettre, seule une minorité d'aviateurs japonais ayant été entraînés dans de telles missions.

Le tremblement de terre de 1923

Il n'est pas difficile de retrouver des évocations du tremblement de terre que l'on voit dans Le Vent se lève : le 1er septembre 1923, un énorme séisme secoue la région du Kant_ où se trouve en particulier la capitale du Japon, Tokyo. Les dégâts sont considérables et affectent une large zone géographique, mais surtout le tremblement de terre provoque de gigantesques incendies dans les maisons plus ou moins détruites et qui sont pour la plupart construites en bois : les poêles et chauffages au charbon ont en effet été renversés et répandent le feu à des centaines ou des milliers d'endroits différents. Le réseau d'eau est détruit et les maisons écroulées rendent en outre difficile l'accès aux zones sinistrées.

Le bilan est terrible : sans doute plus de 200 000 morts  , victimes essentiellement des incendies, 500 000 maisons détruites, des quartiers entiers rasés et deux millions de sans-abris. La panique est considérable, la cohue et les embouteillages font de nouvelles victimes, et les rumeurs les plus folles se répandent : des immigrés coréens (importés au Japon comme main-d'œuvre) sont absurdement accusés d'avoir provoqué des incendies ou d'avoir empoisonné les puits, et des milliers d'entre eux sont lynchés et mis à mort.

Le gouvernement décrétera finalement la loi martiale, et l'armée sera appelée à rétablir l'ordre. La population reconstruira pourtant très rapidement les immeubles détruits, souvent à l'identique, même si cet événement tragique marquera durablement la mémoire des Japonais. Peu de temps après, les autorités japonaises développeront par ailleurs une des premières radios nationales (ancêtre de la NHK, la télévision officielle japonaise actuelle), diffusant musique et informations pour suppléer notamment aux défaillances de la presse écrite en cas de catastrophe du même genre.

Il faut cependant rappeler que Tokyo a ensuite été ravagée pendant la Seconde Guerre mondiale par les bombardements américains, en particulier celui de la nuit du 9 au 10 mars 1945 où les super-forteresses B-29 vont larguer 1 700 tonnes de bombes incendiaires au napalm, provoquant une tempête de feu, causant la mort de 100 000 personnes et détruisant plus de la moitié de la vieille ville. Si cet événement n'est pas évoqué dans Le Vent se lève, l'incendie de Tokyo consécutive au tremblement de terre de 1923 rappelle certainement, de façon indirecte, au public japonais, les destructions des grandes villes nipponnes à l'issue de la Seconde Guerre mondiale.

Enfin, il est difficile en voyant le film de ne pas se souvenir du séisme de 2011 qui allait provoquer un tsunami (raz-de-marée) au Japon et provoquer une catastrophe à la centrale nucléaire de Fukushima. Le Japon est de façon générale une zone particulièrement exposée aux tremblements de terre qui y sont très nombreux : les constructions récentes doivent répondre à des normes anti-sismiques très strictes (pour éviter qu'elles ne s'écroulent), mais ces mesures ne suffisent pas toujours à éviter les catastrophes comme à Fukushima en 2011 ou à Kobé où un tremblement de terre a fait 6 500 morts en 1995.

deux images de la reconstitution saisissante par Miyazaki du tremblement de terre de 1923

La Montagne magique

Nahoko, la fiancée puis la femme de Jiro, souffre de tuberculose. L'on sait depuis la fin du XIXe siècle qu'il s'agit d'une maladie infectieuse provoquée par une bactérie, le bacille de Koch (d'après le nom du médecin, Robert Koch qui l'a découvert en 1882). Cette infection touche le plus souvent les poumons mais peut également affecter d'autres organes comme les os ou des ganglions.

Les symptômes de la tuberculose pulmonaire sont une fièvre modérée, une toux persistante parfois accompagnée de crachements de sang et un amaigrissement plus ou moins important. Ces symptômes sont cependant ceux de la maladie une fois quelle est déclarée : il existe de nombreux cas de primo-infection, c'est-à-dire que l'organisme humain entre en contact avec le bacille (essentiellement par voie aérienne en respirant des micro-gouttelettes contaminées par le bacille) mais y réagit en déclenchant une réaction immunitaire qui est suffisante pour entraîner la guérison. Dans un cas sur dix environ, cette primo-infection évolue cependant vers la maladie. Si la tuberculose déclarée n'est pas soignée, elle attaque les tissus pulmonaires et est fréquemment mortelle.

Aujourd'hui, cette maladie est soignée essentiellement par des antibiotiques dont l'utilisation s'est répandue à partir des années 1950. La maladie a ainsi fortement reculé dans les pays développés, même si certaines souches de la tuberculose sont devenues résistantes aux antibiotiques (ce qui constitue un souci de santé publique). La maladie reste malheureusement très mal prise en charge dans de nombreux pays peu développés, et elle cause environ 1,5 millions de morts par an dans le monde.

Avant la découverte et la généralisation des antibiotiques, cette maladie causait des dizaines de milliers de morts par an dans les pays développés d'Europe, d'Amérique ou d'Asie, et était considérée comme une véritable épidémie (surnommée la « peste blanche » à cause de la pâleur des malades), constituant souvent la première cause de mortalité dans ces pays. On avait néanmoins constaté que l'air pur de la montagne favorisait la guérison des malades (sans cependant la garantir). Pendant la première moitié du XXe siècle, on a donc soigné les malades de la tuberculose dans des sanatoriums, construits en principe à la montagne, éventuellement au bord de la mer ou à la campagne, éloignés en tout cas de la pollution des villes : le repos, la nourriture saine, l'air pur étaient alors les seuls remèdes -malheureusement souvent inefficaces - pour aider les malades.

En 1924, Thomas Mann, célèbre écrivain allemand, a publié un roman intitulé la Montagne magique : son personnage principal, Hans Castorp, est un jeune ingénieur venu rendre visite à son cousin hospitalisé dans un sanatorium à Davos en Suisse. Prévoyant d'abord un court séjour de quelques semaines, Castorp y restera plusieurs mois, fasciné par les personnages qu'il rencontre à cet endroit. Le titre La Montagne magique (Der Zauberberg en allemand) peut être interprété de différentes façons mais il réfère notamment à la guérison miraculeuse que l'air pur de la montagne était censé apporter aux malades.

Dans Le Vent se lève, il y a une allusion explicite au roman de Thomas Mann : quand Jiro séjourne à l'hôtel à la montagne, l'Allemand qu'il rencontre là-bas s'appelleŠ Thomas Castorp.

D'autres détails

Les avions de Caproni, pourtant à la pointe du progrès à leur époque, semblent aujourd'hui bien archaïques. Mais il y a certainement d'autres objets, d'autres détails qui apparaissent dans Le Vent se lève et qui appartiennent à un monde disparu ou du moins ancien. Peut-être les spectateurs, jeunes ou moins jeunes, en ont-ils remarqué un certain nombre qui permettent de percevoir l'évolution du monde à travers des éléments qui peuvent sembler accessoires - des vêtements, des objets du quotidien, des techniquesŠ - mais qui font partie de notre existence ordinaire.

Citons par exemple :

  • les trains à vapeur
  • le chapeau en paille de Jiro et celui en forme de cloche de Nahoko (typique des années 1920)
  • les valises en carton
  • la règle à calcul offerte par Nahoko à Jiro étudiant
  • la caméra manuelle de l'opérateur de Caproni (avec de la pellicule)
  • les bateaux à voile, les chariots avec des roues en bois, les chars à bœufs
  • le gramophone
  • les autos anciennes aux formes carrées, pas du tout aérodynamiques
  • l'usage du tabac très fréquent (heureusement beaucoup plus limité aujourd'hui)
  • etc.

Avant l'invention des machines à calculer électroniques (en 1972), la règle à calcul (ci-dessus) permettait aux scientifiques et aux ingénieurs d'obtenir facilement les résultats approchés d'opérations complexes comme les multiplications, les divisions, les carrés et les racines carrées.

Un gramophone, ancêtre du tourne-disque, supplanté ensuite par le CD (disque compact) inventé en 1982 puis par les baladeurs numériques (comme l'iPod inventé en 2001).

Il s'agit bien sûr de quelques détails relativement secondaires mais qui permettent sans doute de prendre conscience d'une différence d'époques plus ou moins importante. Même si la part d'imaginaire est très grande dans Le Vent se lève, c'est également un film ancré dans une époque très précise, celle des années d'avant-guerre au Japon.

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Un dossier pédagogique complémentaire à cette analyse est présenté à la page suivante.


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