Medias
Journal & grilles Appli mobile Newsletters Galeries photos
Medias
Journal des Grignoux en PDF + archives Chargez notre appli mobile S’inscrire à nos newsletters Nos galeries photos
Fermer la page

Une animation proposée par les Grignoux
et consacrée au dessin animé
Le Piano dans la forêt
de Masayuki Kojima
Japon, 2007, 1h40


L'analyse proposée ici s'adresse à des animateurs qui verront le film Le Piano dans la forêt avec un large public et qui souhaitent approfondir avec les spectateurs les principaux thèmes de ce film.

Le film

Le Piano dans la forêt est un dessin animé japonais qui réussit le pari de plonger les spectateurs dans un univers où couleurs et sons entrent en osmose pour composer «un tout entre la musique et les images», selon les propres mots du réalisateur. La rencontre entre Kai et Shûhei, deux jeunes pianistes du même âge, permettra notamment d'entendre au cours du film des versions différentes de morceaux célèbres de musique classique, les unes fruits d'une interprétation inspirée, et les autres résultats d'un travail acharné.

Cette approche tout en nuances, privilégiant l'émotion malgré la dimension didactique qui sous-tend largement ce dessin animé, privilégie la relation entre les deux enfants, faite d'amitié mais aussi parfois de jalousie et de rivalité. Entre eux cependant se dresse bientôt la figure de Sôsuke Ajino, un adulte secret et mystérieux. Ce personnage, surnommé « le croque-mort » par les élèves de l'école, est en réalité leur professeur de musique, qu'un accident de voiture a brutalement privé de ses talents de pianiste et de son goût pour la vie.

Imprégnée tout à la fois de mystère, de magie, de beauté, de suspense et d'humour, l'histoire de ce duo en route pour un prestigieux concours de piano devrait séduire les enfants, entre huit et onze ans environ, mais également leurs parents, surtout s'ils sont peu familiers avec la musique classique et avec la discipline pianistique.

Dans le cadre de l'éducation permanente, le film le Piano dans la forêt peut être utilisé pour faciliter un échange intergénérationnel à propos en particulier de l'éducation, de ses objectifs et de ses méthodes.

La vision de ce dessin animé sera également l'occasion d'une découverte d'un univers culturel mal connu, celui de la musique classique.

Enfin, on pourra mener avec les participants une réflexion sur le média lui-même — film, dessin animé —, en particulier sur la manière dont ce dessin animé permet d'interroger des états psychologiques qui, dans la vie quotidienne, restent habituellement tus ou implicites.

L'analyse proposée ci-dessous portera de manière plus particulière sur les principaux personnages du film et sur les thèmes qu'il incarnent. Il s'agira d'amener les spectateurs à (mieux) maîtriser la dimension thématique d'un film qui est nécessairement implicite et qui demande donc que l'on mette en œuvre des stratégies d'interprétation parfois complexes. Ce sera ainsi l'occasion de revenir de façon plus réfléchie sur la manière dont est construit un scénario de film.

Les personnages et leur monde

Cette animation propose aux spectateurs de dresser le portrait de Shûhei et de Kai en s'attachant à leur apparence, à leur caractère et à leur milieu de vie mais également aux relations qu'ils entretiennent avec les personnes de leur entourage: leur maman, leur professeur de musique, Monsieur Ajino, ainsi que les autres enfants: en particulier Takako, la fillette qui se présente aussi au concours des jeunes pianistes, et Kinpira, l'élève bagarreur qui s'en prend sans cesse à eux.

L'animation consistera à établir en grand groupe un plan des lieux du film, moins avec l'objectif d'organiser les souvenirs — l'intrigue est simple, les lieux et les personnages peu nombreux — que de mettre en perspective le contraste opposant les jeunes enfants et leur monde respectif ainsi que, dans une seconde phase, de commenter les thèmes du film qui apparaissent en filigrane

.

Pratiquement

Kai et Shûhei

Dans la mesure où les deux portraits des enfants sont manifestement porteurs de toute une symbolique significative dans le contexte du film — et qu'on peut résumer sommairement par l'opposition traditionnelle nature/culture, inné/acquis… —, cette phase collective de l'activité sera précédée d'une réflexion menée en petits groupes de participants, à qui on demandera de procéder à une comparaison simple entre Shûhei et Kai en répondant à quelques questions:

  • qu'est-ce que Kai et Shûhei ont en commun et qu'ont-ils de différent?
  • que peut-on dire entre autres de leur famille? du quartier où ils vivent? de leur éducation (la façon dont ils sont élevés)? de leur milieu social (leur train de vie, leurs vêtements, leur langage)? de leur caractère?

Les participants travailleront de préférence en se remémorant les détails du film, mais afin de peaufiner les portraits (traits caractéristiques, tenue vestimentaire), on pourra leur fournir l'une ou l'autre illustration tirée du Piano dans la forêt.

285-1.jpg 285-2.jpg
285-3.jpg 285-4.jpg
285-5.jpg 285-6.jpg
285-7.jpg 285-8.jpg

Une représentation du monde

Après une dizaine de minutes, ouvrons une phase de mise en commun des observations et notons-les au fur et à mesure au tableau de manière synthétique, en veillant à mettre en évidence le contraste qui existe entre les deux mondes auxquels Kai et Shûhei appartiennent: la forêt (ou monde «sauvage») et la ville (ou monde «civilisé»).

Poursuivons l'animation en grand groupe, en demandant aux participants d'utiliser cette base pour élaborer un plan simple des lieux — avec l'école, la maison où vit Shûhei, celle où vit Kai… — et d'y répartir les autres personnages en commençant par Monsieur Ajino, le professeur de musique, puis Kinpira, Takako, Namie (la maman de Shûhei) et Reiko (celle de Kai)…

Les thèmes du film

Une fois cette représentation élaborée, reformons les petits groupes initiaux et invitons les participants à utiliser ce support pour entamer une réflexion sur les thèmes du film: la musique, bien sûr, mais aussi l'amitié, la compétition, les différents milieux sociaux, la vie en classe ou encore les hasards de la destinée.

Quels thèmes?

Quel est (ou quels sont) le(s) thème(s) que vous reconnaissez dans le Piano dans la forêt? Mettez une croix face à celui ou à ceux que vous trouvez important(s):
  • La musique classique
  • l'amitié
  • la vie en classe
  • les différences sociales
  • la compétition
  • les accidents de la vie et ses conséquences (le destin)

The Perfect World of Kai

Une dernière étape d'appréciation individuelle clôturera cette approche. Elle consistera pour les participants à mettre le film en relation avec son titre alternatif — The Perfect World of Kai ou, en français, Le Monde parfait de Kai — un titre qui, contrairement au Piano dans la forêt, attire d'emblée l'attention sur cet enfant, laissant apparaître un certain parti pris en faveur de l'un des deux personnages principaux de l'histoire.

Étoffer ce point de vue en donnant une nouvelle interprétation du film en fonction de cet éclairage peut sembler trop compliqué pour certains participants; c'est pourquoi nous suggérons que ceux-ci donnent simplement leur avis sur ce titre et ce qu'il sous-entend: quel titre préfèrent-ils? pourquoi? À leur avis, Kai vit-il vraiment dans un monde parfait? en quoi ce monde est-il parfait? etc.

Commentaires sur les thèmes du film

La musique

La musique est bien sûr le thème le plus évident du film. Dans le Piano dans la forêt, tout est mis en place pour donner aux enfants le goût de l'écoute des grands compositeurs classiques et mettre en évidence les difficultés de l'apprentissage d'un instrument, tout en soulignant par ailleurs le plaisir et les bénéfices que l'on peut en retirer.

Évaluons ensuite l’intérêt des spectateurs pour les thèmes musicaux entendus dans le Piano dans la forêt en retenant ceux qui ont sans doute capté le plus leur attention: la Sonate pour piano K310 de Mozart, la Symphonie n°5 de Beethoven et la Valse du petit chien de Chopin. En effet, même si d’autres morceaux comme le Concerto italien de Jean-Sébastien Bach ou la Sonate pour piano n°3 de Frédéric Chopin occupent en fait une place plus grande dans le film, les trois œuvres précitées y font l’objet d’un véritable enjeu: tandis que la sonate K310 est censée départager les concurrents qui participent aux éliminatoires du concours national de piano, la Valse du petit chien représente le déclic nécessaire qui va conduire Kai sur la voie de l’apprentissage; quant aux premières notes de la Cinquième Symphonie, qui impressionnent profondément Kai, elles éveillent son intérêt pour l’œuvre de Beethoven; on retiendra donc aussi sa célèbre Lettre à Elise dont les enfants ont peut-être reconnu l’air familier lorsque Monsieur Ajino l’interprète pour lui dans la salle de musique, de la même façon que Kai reconnaît le morceau que joue la boîte à musique de sa mère.

Dans le cadre de cette animation, une nouvelle écoute en groupe des quatre morceaux choisis (ou seulement de certains extraits) sera bien sûr vivement conseillée. On commencera par demander aux participants s’ils se souviennent des circonstances au cours desquelles on les entend dans le film et, au fur et à mesure des œuvres identifiées et replacées dans leur contexte, on rappellera leur titre.

L’activité proprement dite prendra la forme d’un échange verbal autour de ces compositions. Il sera ici important de préciser dès le départ qu’il est fait appel à la subjectivité de chacun et que dès lors, toute intervention devra faire l’objet de respect et de tolérance: un morceau particulièrement apprécié par les uns peut rebuter les autres sans pour autant que ces différentes appréciations ne débouchent sur de quelconques jugements de valeur, que ce soit sur l’œuvre elle-même ou sur les participants qui formulent ces avis opposés.

D’un point de vue pratique, les participants seront invités à désigner quel morceau les a plus particulièrement émus, à expliquer quelles émotions ils ont ressenties, et éventuellement pour quelle raison ils ont ressenti telle émotion plutôt que telle autre… S’ils montrent une motivation suffisante, on pourra éventuellement approfondir ces appréciations en les amenant à distinguer les sentiments que les compositeurs ont cherché à transmettre (ainsi la douleur, la souffrance, la tristesse avec la sonate K310, le sentiment amoureux avec la Lettre à Elise, la fougue, la légèreté, l’opiniâtreté avec la Valse du petit chien ou encore, la solennité, la gravité, la soudaineté avec la Symphonie du Destin…) de leurs propres émotions personnelles lorsqu’ils écoutent ces morceaux.

L'amitié

L'amitié entre Kai et Shûhei est l'autre grand thème du film. Ces deux enfants ne sont pas seulement unis par une même passion de la musique; on retrouve entre eux d'autres points communs comme l'absence d'un père — on ne parle jamais de celui de Kai, et Shûhei ne voit apparemment le sien que rarement —, une certaine marginalité qui les isole des autres élèves de la classe ainsi qu'une vie quotidienne parfois difficile, qui n'a rien de la vie normale des enfants de cet âge: tandis que Kai est obligé d'effectuer des corvées pour la patronne de sa mère et qu'il est maltraité par ses clients, Shûhei quant à lui n'a pas de loisirs, obligé qu'il est de travailler sans cesse son piano.

Tous deux ont donc une grande pression sur les épaules, et on peut penser que ces difficultés de la vie les rapprochent et font qu'ils se comprennent. À la fin du film, chacun aura apporté quelque chose d'important à l'autre: la prise de conscience d'un travail nécessaire pour Kai, et le plaisir de jouer pour Shûhei.

La vie en classe

La vie en classe est encore un autre thème abordé dans le Piano dans la forêt. Les jeunes spectateurs y auront sans doute été sensibles puisqu'eux-mêmes vivent dans un univers semblable et qu'ils auront probablement retrouvé dans le film une part de leur vécu et certains comportements familiers. On y reconnaît entre autres les heurts de la vie en communauté et notamment la difficulté de trouver sa place lorsqu'on est un peu différent des autres, comme le sont Kai et Shûhei. Comme dans tout groupe social, on remarque la présence d'un leader (d'un meneur) qui prend de l'ascendant sur la majorité des élèves, avec pour principale préoccupation le rejet des enfants marginaux en dehors du groupe par divers moyens comme les moqueries, l'agressivité physique, le harcèlement…

Dans le film, ce phénomène d'exclusion est particulièrement bien mis en évidence grâce au personnage de Kinpira, un élève bagarreur qui domine ses condisciples et qui s'en prend régulièrement à Shûhei — un élève «étranger» qui vient de la capitale et qui joue du piano depuis l'âge de quatre ans «comme une fille» — et à Kai, un enfant apparemment issu d'un milieu plus pauvre que les autres et élevé par une mère célibataire qui travaille dans un bar.

Les différences sociales

Sans doute moins évident, le thème des différences sociales apparaît néanmoins clairement à la lecture du schéma des lieux (ci-dessus), qui révèle tout ce qui sépare le monde des gens aisés de celui des moins fortunés. Les quartiers où vivent respectivement Kai et Shûhei sont éloignés l'un de l'autre: d'un côté, un quartier résidentiel, une maison cossue avec de nombreuses pièces, une salle de musique, deux pianos (un droit et un à queue), un jardin…; de l'autre, une taverne dans un quartier populaire (sinon le quartier des bas-fonds), avec une pièce d'habitation à l'étage, une ruelle bruyante et malfamée, illuminée d'enseignes racoleuses…

Par ailleurs, on aura remarqué que Shûhei porte des vêtements chics et bien coupés tandis que Kai porte un simple short et un tee-shirt; à la coupe courte et bien entretenue de Shûhei s'opposent les cheveux longs et en bataille de Kai. S'ils portent la même paire de chaussons en classe, les deux enfants se distinguent encore par les souliers qu'ils ont aux pieds une fois sortis de l'école : de fins mocassins noirs pour l'un et une paire de galoches pour l'autre.

Enfin, tandis que la maman de Shûhei, qui ne travaille pas, dispose de tout son temps pour s'occuper de son fils et le suivre dans ses progrès et de beaucoup d'argent pour choisir ce qu'il y a de mieux pour lui (sans doute en partie grâce au statut de son papa, qui est un pianiste de renom), la maman de Kai est obligée de travailler dur dans une gargote mal fréquentée pour assurer leur subsistance à tous les deux; Reiko dispose donc de beaucoup moins de temps que Namie pour s'occuper de l'éducation de son fils, qui est le plus souvent livré à lui-même ou aux exigences de la patronne et des clients de sa mère.

La compétition

Kai et Shûhei sont liés par une passion commune — le piano — mais aussi une certaine solitude morale. Ils prennent du plaisir à être ensemble et apprennent beaucoup l'un de l'autre, mais l'attitude différente que Monsieur Ajino va adopter vis-à-vis de chacun d'eux et la relation privilégiée qu'il instaure avec Kai introduisent de la distance entre les deux enfants, cette distance se transformant petit à petit en rivalité.

Il faut toutefois remarquer que la compétition qui s'installe entre eux est surtout ressentie comme telle par Shûhei, à la fois déçu, jaloux et profondément chagriné par le refus du professeur de lui donner des leçons rétribuées, alors qu'il accepte par ailleurs de former gratuitement son nouveau camarade.

Conscient que la démarche d'apprentissage de Kai n'est le fruit d'aucune arrière-pensée, Shûhei ne peut que ruminer son ressentiment jusqu'au jour où, apprenant par la bande que Kai participe lui aussi au concours national, il laisse éclater ouvertement sa colère. Or ce qu'il ignore, c'est que Kai se présente aux éliminatoires non pas pour lui faire une concurrence déloyale mais bien parce que, se sentant redevable vis-à-vis de Monsieur Ajino, il s'est engagé en remerciement à exaucer n'importe lequel de ses souhaits. Et le souhait du professeur, c'est précisément qu'il participe au concours des jeunes pianistes.

C'est donc bien malgré lui que le nouvel élève de Monsieur Ajino décide de s'y engager, retardant sans cesse le moment d'en faire part à son ami tant il craint sa réaction. Enfin, avec le comportement agressif que Takako affiche quand elle s'aperçoit que Shûhei — son plus grand rival — participe aux éliminatoires dans la même région qu'elle, on mesure d'une autre façon encore toute la violence que la compétition peut introduire dans les relations humaines.

Le destin, les accidents de la vie

Ce thème est le moins évident à détecter, même s'il est probable que certains spectateurs l'évoquent indirectement en faisant référence à l'accident de Monsieur Ajino et ses graves conséquences sur sa brillante carrière de pianiste.

Par ailleurs, on peut se demander ce qui serait arrivé si la grand-mère de Shûhei n'avait pas été malade, obligeant sa mère à s'installer temporairement en province avec lui. Ainsi, comme il le dit lui-même à la fin du film, Shûhei aurait fini par haïr le piano; peut-être aurait-il un jour choisi d'abandonner son apprentissage pour avoir une vie moins contraignante, au grand dam de ses parents.

Quant à Kai, il n'aurait pas eu la chance de faire la connaissance de Monsieur Ajino — en effet, c'est Shûhei qui révèle au professeur son talent secret ainsi que l'existence du mystérieux piano — ni d'apprendre la musique à son contact; il n'aurait jamais participé au concours et probablement n'aurait-il jamais quitté la forêt…

Le Piano dans la forêt ouvre ainsi une réflexion générale sur la destinée humaine, faite de choix mais déterminée aussi par des événements accidentels de plus ou moins grande importance, susceptibles de bouleverser le cours de toute une vie.

Un dossier pédagogique complémentaire à l'animation proposée ici est présenté à la page suivante.
Cliquez ici pour retourner à l'index des analyses.


Tous les dossiers - Choisir un autre dossier