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Une analyse proposée par les Grignoux
et consacrée au film
Le Monde de Charlie
(The Perks of Being a Wallflower)

de Steven Chbosky
États-Unis, 2012


L'analyse proposée ici s'adresse aux animateurs et aux éducateurs en éducation permanente qui verront le film Le Monde de Charlie avec un large public. Elle propose une réflexion plus approfondie sur ce film et en particulier sur la mise en scène cinématographique d'un monde intérieur qui semble à première vue inaccessible à la caméra.

En quelques mots

Charlie, qui a 14 ans, habite Pittsburgh en Pennsylvanie aux États-Unis, avec Candice, sa sœur aînée et leurs parents. Chris, le fils aîné de la famille, a quitté leur ville natale pour poursuivre des études universitaires. Au début du film, Candice se prépare à entrer en dernière année de secondaire et Charlie en troisième. Pour cet adolescent particulièrement timide et réservé, le passage en troisième (correspondant aux États-Unis au début d'un nouveau cycle scolaire important de quatre ans ; la Highschool, équivalent français du Lycée), est une véritable épreuve. D'ailleurs, comme il l'avait prévu, ses premières semaines sont très pénibles : ses « camarades » de classe se moquent de lui, sa sœur et ses fréquentations des années précédentes l'ignorent, il mange seul à la cantine, … Sa seule relation épanouissante est celle qu'il entretient avec son prof de littérature, Mr Anderson, qui l'encourage à écrire.

Lors d'un match de foot auquel il assiste avec d'autres élèves de l'école, il force cependant le contact avec Patrick, un élève de dernière année qui suit le même cours de travaux manuels que lui, pour avoir échoué dans cette matière au semestre précédent.

Patrick et sa demi-sœur Sam qui l'accueillent avec bienveillance au sein de leur groupe d'amis se sentent investis d'une certaine responsabilité à l'égard de Charlie dont ils apprendront assez rapidement qu'il a perdu de façon tragique son meilleur - et sans doute unique - ami, Michael, l'été précédent.

Le film dans le cadre de l'éducation à la santé

Le film aborde de manière nuancée de nombreuses thématiques concernant le passage de l'adolescence à la vie d'adulte mais également certains troubles psychologiques, comme la dépression des adolescents, qui peuvent être liés à des expériences traumatiques.

Dans ce cadre, il pourra intéresser les animateurs désireux d'aborder avec un groupe la question de la manifestation de la dépression et son impact sur la vie de la personne qui en souffre mais également tout professionnel de la santé en contact avec un public d'adolescents.

Mise en scène

Faire entrer le spectateur dans le monde intérieur de Charlie

On remarquera que le point de vue de Charlie et le point de vue du spectateur se confondent le plus souvent. Ainsi, le spectateur est en mesure de s'identifier au personnage principal ou en tout cas, d'éprouver une assez grande empathie à son égard. Un lien fort peut en tout cas s'établir entre les deux dès le début du film grâce aux confidences que Charlie adresse par lettres à un mystérieux ami en qui il dit avoir pleine confiance. Puisqu'on ne voit pas Charlie poster ces lettres, l'on peut imaginer qu'elles constituent en réalité son journal intime. Le spectateur est ainsi en quelque sorte installé d'emblée dans ce rôle du confident bienveillant, qui ne portera pas de jugement négatif sur le comportement ni les pensées de Charlie.

Dans ce journal intime, Charlie va coucher le déroulement de ses journées d'école, décrire les émotions qui le traversent et les personnages rencontrés. Mais avant tout cela, il confie à son correspondant épistolaire fictif comment il se sent à la veille de cette rentrée scolaire un peu particulière et les espoirs qu'il place dans cette nouvelle année. L'on apprend ainsi d'emblée que Charlie vient de passer une partie de ses vacances d'été à l'hôpital.

Il n'explicite pas les causes de ce séjour mais plusieurs remarques tombant dans les cinq premières minutes du film permettent de comprendre qu'elles sont d'ordre psychologique. En voici quelques exemples :

(La voix off de Charlie s'adresse à son correspondant fictif)
  • « Je suis sûr que si tu me rencontrais tu ne me prendrais pas pour un taré qui sort de l'hôpital » ;
  • « J'ai parlé à personne de tout l'été à part à ma famille » ;
  • « Si mes parents me demandent comment s'est passé mon premier jour au Lycée, je ne leur dirai pas la vérité. Ils pourraient craindre que je fasse une rechute et je ne veux pas les inquiéter » ;
  • « Si ma tante Helen était encore là, je pourrais me confier à elle, je suis sûr qu'elle comprendrait ce que je ressens : de la joie et de la tristesse en même temps. Moi en tout cas, je n'ai toujours pas compris comment je pouvais ressentir simultanément ces émotions contradictoires. »

Des flashes back pour montrer les souvenirs du personnage à l'écran

Pour permettre au spectateur d'entrer dans Le Monde de Charlie, précisément, le cinéaste utilise également d'autres procédés.

Plusieurs flashes back ponctuent le film. Un flashback est le nom donné aux séquences censées présenter des événements antérieurs au « présent » du film. Dans le film, ces flashes back sont en réalité des souvenirs que Charlie a gardés de sa petite enfance, vers l'âge de quatre ans. En faisant entrer le spectateur dans la mémoire, fragmentaire, de Charlie, le réalisateur suscite également son empathie envers le personnage. Ces souvenirs sont par ailleurs furtifs et énigmatiques, il est impossible pour le spectateur au début du film de situer ces courtes séquences dans un contexte. Ce contexte, le réalisateur va le tisser au fur et à mesure de ces flashes back ténus mais également des bribes de confidences que Charlie fait à ses amis ou des références à des événements du passé mentionnées dans quelques conversations familiales.

Un certain malaise plane sur ces séquences de souvenirs où apparaît une femme adulte absente du présent du film. Lors du premier flashback, l'on voit cette personne entrer dans la demeure familiale et être accueillie par un « Bienvenue Tante Helen », lancé par des voix enfantines : celles de Charlie, Candice et Chris alors qu'ils sont encore de jeunes enfants.

L'on apprend que Tante Helen, la sœur de la mère de Charlie (la ressemblance physique est manifeste), a subi des violences conjugales et est accueillie dans le foyer de sa sœur. Charlie semblait avoir une relation privilégiée avec sa tante, elle semblait avoir beaucoup d'importance pour lui. Leur relation demeure pourtant floue pour le spectateur pendant la plus grande partie du film, notamment à cause de l'atmosphère pesante qui plane sur les séquences de flashes back.

Ce malaise, la difficulté à situer cette relation dans un contexte clair est sans doute voulu par le réalisateur : puisque le point de vue du spectateur et celui de Charlie se confondent, c'est que rien n'est clair pour Charlie non plus et cette sensation de flou, de confusion, est « en réalité » la sienne.

Des effets spéciaux et un montage particulier pour exprimer ce qu'il éprouve

Le réalisateur utilise d'autres procédés visuels, toujours dans l'optique de faire percevoir au spectateur le ressenti de Charlie à un moment donné. Ainsi, le recours à la caméra dite « subjective » : le point de vue capté par la caméra coïncide avec celui du personnage : le spectateur voit donc forcément ce que voit le personnage, sous le même angle et à la même distance.

Pour rendre cette fusion encore plus complète, le réalisateur recours à d'autres effets censés traduire visuellement, à l'image, non seulement ce que voit le personnage mais surtout comment il le voit. Ainsi, après que Charlie a pris du LSD lors de la soirée de Nouvel An, il voit « trouble »… et le spectateur aussi ! Le ralenti sur l'image, la mise au point volontairement floue, le dédoublement des personnages présents dans la scène, tout concourt à faire comprendre au spectateur de quelle manière Charlie traverse cette expérience.

L'expression du ressenti de Charlie atteint son paroxysme lors des dernières séquences du film, sans doute l'une des plus émouvantes. A la fin de l'année, à la veille du départ de Sam pour la ville universitaire où elle passera sans doute les prochaines années, Charlie et elle s'avouent leur affection l'un pour l'autre. Alors qu'ils sont enlacés, Charlie se sent mal à l'aise. Le lendemain, après le départ de Sam, Charlie remonte chez lui à pied. De nouvelles visions viennent le perturber. Il s'agit de souvenirs mais ceux-ci sont inédits pour Charlie, ainsi que pour le spectateur : Charlie entend Tante Helen lui demander de « ne pas [réveiller sa] sœur ». Visuellement, cette scène est particulièrement marquante : la chaleur émise par le bitume brûlant de la route fait trembler l'image. Enfin, pour mieux rendre compte au spectateur de l'état de grande confusion psychologique dans laquelle se trouve l'adolescent, le réalisateur duplique puis triple le personnage à l'écran ; respectivement après deux flashes back qui ne laissent plus de doute à l'interprétation des événements passés : Tante Helen abusait de lui. Ainsi, face caméra, ce sont trois Charlie angoissés qui remontent la route de front. Ils sont cependant tous trois à des distances différentes les uns des autres, ce qui renforce ce sentiment de décalage que Charlie est censé éprouver.

Son angoisse s'accroit lorsqu'il rentre chez lui. La maison est vide. Des souvenirs en pagaille l'assaillent et il ne peut plus s'arrêter de pleurer. Cette fois, c'est un travail portant sur le montage des images qui va témoigner du chaos total éprouvé par Charlie à ce moment-là : de brèves coupes dans les plans le montrant en train d'évoluer dans les couloirs rendent l'impression d'une perte des notions de temps et de lieux.

De quoi souffre Charlie ? Et les autres personnages ?

Le terme « dépression » est mentionné une fois à la fin du film, lorsque Patrick lance en boutade que Charlie ne pourra pas rendre visite à Sam parce qu'il a « une dépression prévue pour l'automne prochain ! » Son premier séjour à l'hôpital semble avoir eu lieu juste après le suicide de son meilleur ami, un événement tragique qui a dû perturber gravement Charlie qui n'a, au début du film, pas d'autre ami.

Patrick et Sam quant à eux, ne sont pas les jeunes écervelés que pourraient laisser croire la légèreté dont ils font preuve au quotidien et l'aisance qu'ils manifestent dans leurs contacts sociaux. Patrick et Brad, le capitaine de l'équipe de foot de l'école entretiennent une relation amoureuse secrète. Brad, censé incarner le modèle masculin hétérosexuel tant aux yeux des autres élèves qu'au sein de sa propre famille, redoute par dessus tout que son propre père découvre son homosexualité. En effet, lorsque cela se produira, ce dernier battra violemment son fils. Sam quant à elle doit parvenir à surmonter sa mauvaise estime d'elle-même ainsi que nombre de rumeurs déplaisantes à son égard, héritées de son année de troisième pendant laquelle des garçons de l'école la faisaient boire pour abuser d'elle ensuite.


La dépression des adolescents en quelques chiffres

Un récent rapport publié par l'OMS publié le 14 mai 2014 et consacré à la santé des adolescents avance que le suicide est la troisième cause de mortalité chez les 10-19 ans dans le monde (après les accidents de la route et le sida). En Belgique, ce sont 7% des jeunes âgés de 12 à 18 ans qui subiraient un épisode dépressif majeur (EDM) , rapporte une étude menée par une doctorante du département des sciences psychologiques de l'ULg .

Piste de discussion possible avec un groupe

Éventuellement après la vision, l'on pourra demander aux participants de s'exprimer à propos du personnage de Charlie : qu'ont-ils pensé de lui ? Les a-t-il émus ? Agacés ?

Enfin, l'on tentera de dégager avec eux les différents procédés explicités plus haut qui ont permis de traduire à l'image les émotions et sensations éprouvées par le personnage de Charlie.

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