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Une analyse proposée par les Grignoux
et consacrée au film
Brendan et le secret de Kells
de Tomm Moore
France, 2008, 1h15


L'analyse proposée ici s'adresse notamment à des animateurs qui verront le film Brendan et le secret de Kells avec un large public (notamment familial) et qui souhaitent aborder avec les spectateurs l'aspect graphique de ce dessin animé. Les objectifs de cette animation se placent donc dans une perspective d'éducation à l'image.

Le film

Avec Brendan et le secret de Kells, les spectateurs découvrent un univers étonnant à plus d'un titre. Tout d'abord, l'histoire de Brendan se déroule dans un contexte relativement méconnu du grand public : l'Irlande du Moyen-Age, à l'heure des invasions des Vikings. Plus précisément, le récit prend place dans l'abbaye de Kells, aujourd'hui encore réputée pour le livre somptueux qu'elle a abrité pendant des siècles. C'est donc à une découverte historique que sont invités les spectateurs du film. Ensuite, la réalisation du jeune auteur irlandais Tomm Moore se distingue de la production courante du cinéma d'animation par un graphisme original, inspiré à la fois par les enluminures médiévales et par l'art celte.

Tant les décors que les traits des personnages surprennent par leur stylisation. En même temps, la production internationale du film a fait appel à des technologies de pointe qui assurent une très grande qualité d'animation. Enfin, l'histoire de Brendan, qui prend place dans un contexte historique rigoureux, laisse néanmoins une grande place à l'imaginaire et à l'aventure.

Aussi, ce film s'adresse à un large public familial auprès duquel il pourra susciter d'intéressantes discussions. La piste que nous proposons ici concerne le graphisme du film.

Un graphisme original

Le cinéma d'animation présente une grande variété de techniques, de styles et donc finalement d'apparences. Les productions majoritaires (grosso modo les grandes productions américaines) font la part belle à la 3D (3 dimensions) et à l'animation informatique, qui excellent à rendre les détails, les textures, les ombres, etc. Mais des productions plus artisanales, comme Brendan et le Secret de Kells (qui sont néanmoins en partie assistées par ordinateur) se distinguent de la production courante par un style plus sinngulier, des scénarios moins formatés, et par, précisément, le caractère artisanal auquel une partie du public est attachée.

Brendan et le secret de Kells se démarque assez nettement des dessins animés habituels par son style original qu'il est intéressant de commenter dans la perspective d'une sensibilisation esthétique.

On pourrait entamer la conversation de cette manière :

Intéressons-nous au style du film Brendan et le secret de Kells, à la manière dont il a été réalisé, à la manière dont il est dessiné [1]. Qu'est-ce que les dessins qui composent le film ont de particulier ? Qu'avez-vous remarqué de spécial ou d'étonnant dans ces dessins ? Laissons la parole aux spectateurs. Invitons-les à donner des exemples précis. Proposons-leur également de commenter les images du film reproduites ici.

Voici quelques éléments qui permettent de qualifier le graphisme du film. On pourra se servir de ces commentaires, pour attirer l'attention des spectateurs sur des caractéristiques qu'ils n'auraient pas relevées, ou pour enrichir le vocabulaire et mettre en mots des observations qu'il n'est pas toujours facile de verbaliser.

La stylisation

On peut dire que les dessins dans Brendan et le secret de Kells sont stylisés, c'est-à-dire que les objets ou les personnages ne sont pas représentés avec un souci de ressemblance mais bien avec un souci de style, de décoration, pourrait-on dire. L'auteur du film a voulu que les dessins soient originaux, inhabituels, et... jolis (mais cela relève du domaine de l'appréciation). On peut donner différents exemples de stylisation dans Brendan et le secret de Kells.

Le chat Pangur Ban a une tête bien particulière, qui a à peu près une forme de demi-cercle (côté rond au-dessus) et son museau a la forme d'un cercle qui contient un x. Quant aux pattes de Pangur Ban, leurs extrémités sont simplement figurées par un trefle. Cette représentation du chat est à la fois très simple et assez originale.

Les mains de plusieurs personnages ont des doigts aux bouts carrés et les quatre doigts parallèles ont la même longueur ; comme si, en dehors du pouce, la main était un rectangle qui serait tranché trois fois, la pliure des phalanges étant marquée par de petits traits ou une sorte d'ovale.

Les moines ont des silhouettes bien différentes : la silhouette de l'Abbé correspond à peu près à la forme de la fenêtre dans la tour ! Il a un corps tout droit et assez long, qui rétrécit à hauteur des épaules et sa tête et son cou sont tout droits également. Le moine d'origine africaine est beaucoup plus large, mais il est grand également, il est massif et prend toujours beaucoup de place à l'image. Il est tout en rondeurs et en courbes. Un autre moine, aux cheveux blancs, est, lui, beaucoup plus anguleux.

La bougie à laquelle s'éclairent les moines pour travailler porte une flamme presque ronde et non pas allongée, comme on la représente généralement.

Les Vikings ne sont que de grandes silhouettes menaçantes : ils se ressemblent tous et on ne distingue jamais les traits de leur visage. Ils inspirent donc la menace, le danger, la terreur, d'autant plus qu'ils sont surtout noirs et rouges. On pourrait presque croire que ce ne sont pas des êtres humains.

Les loups ont des extrémités pointues : leurs pattes, leurs oreilles, leur gueule et évidemment leurs dents. À part le loup blanc, ils sont tous noirs, avec un peu de blanc pour les yeux et les dents et de rouge pour les babines.

Les visages de certains personnage sont aussi étonnants, comme par exemple les petites mèches (?) brunes sur les oreilles de Brendan. Mais plus encore les traits qui composent les visages surprennent. Par exemple, Brendan de profil, a les oreilles collées à la tête d'une manière inhabituelle. Plus encore, le menton et les oreilles de Frère Aidan sont formés d'un même trait. C'est un autre trait qui vient définir les joues. (Habituellement, on trace la forme de la tête en un trait continu qui forme le menton et les joues et ensuite, on y attache les oreilles...)

La nature bien ordonnée relève aussi de la stylisation. Ainsi, la lisière de la forêt est composée d'arbres identiques, parfaitement rangés les uns à côté des autres et il y a un effet vraiment décoratif dans cette représentation. De la même manière, Brendan à la recherche des baies, rencontre une série de hiboux, bien alignés au bord en arc-de cercle d'un trou dans un tronc d'arbre.


L'absence (relative) de perspective

Au Moyen-Age, on n'avait pas encore défini les règles de la perspective, qui permettent dans un dessin ou une peinture de rendre la profondeur, telle que nous pouvons la voir : un objet éloigné sera plus petit pour notre œil que le même objet plus proche. Ainsi, un carré de potager, vu à hauteur d'homme, apparaît plutôt comme un trapèze.

Dans Brendan et le secret de Kells, on remarque particulièrement cette relative absence de perspective dans certains plans, notamment ceux du village de Kells, où, par exemple, les potagers ont l'air d'être verticaux !


Les motifs celtiques

L'art celte se caractérise notamment par des motifs que l'on trouve déclinés de différentes manières, comme les spirales, les entrelacs et les tresses. On retrouve ces motifs dans le livre de Kells, mais aussi dans le film lui-même. Particulièrement, les spirales sont présentes dans beaucoup d'éléments du décor. On peut également apercevoir des triscèles (une forme qui associe trois spirales, qui représentent traditionnellement la trinité naturelle : l'eau, la terre, le feu) sur les troncs des arbres de la forêt. Les branches des arbres sont parfois entrelacées.

On trouve encore toutes sortes de motifs plus ou moins abstraits, d'inspiration celtique, dans le corps du serpent Crom Cruach, dans l'eau dans laquelle flotte Brendan lorsqu'il va affronter Crom Cruach... Même les flocons de neige, pendant l'attaque des Vikings ont la forme de motifs celtiques.


Un système d'oppositions

Globalement, le graphisme du film fait également appel à toute une série d'oppositions. Par exemple, les images de la nature et de la forêt entrent en confrontation avec les images de l'abbaye. Au niveau des couleurs, mais aussi au niveau des formes.

On trouve plus de couleurs chaudes et de formes rondes dans la nature que dans le village de Kells, entouré de la muraille gris foncé et couverte d'échafaudages anguleux. A l'intérieur de l'enceinte, tout est un peu moins lumineux qu'à l'extérieur. Le scriptorium est lui baigné dans les couleurs chaudes (jaunes, oranges, bruns). Tout ce qui est obscur inspire la crainte, le danger... alors que les couleurs chaudes évoquent le bien-être, l'émerveillement.

L'opposition se marque encore entre les courbes et les droites, l'exemple le plus flagrant de ce contraste étant celui du combat entre Brendan qui trace un trait rond à la craie et le serpent Corm Cruach qui est tout en angles et qui finira enfermé par le cercle qu'a formé le jeune moine.



1. Si l'on parle de dessin animé, c'est bien parce qu'à l'origine, chaque image du film était dessinée individuellement. C'est la succession des images fixes (au rythme de 24 images par seconde) qui produit l'illusion du mouvement. Pour chaque seconde de dessin animé, il faut donc théoriquement réaliser 24 dessins. (Théoriquement seulement : en effet, les animateurs ont trouvé au fil du temps toutes sortes de trucs et d'astuces pour alléger le travail colossal que représente la réalisation d'un long métrage. Parmi ces astuces : travailler sur plusieurs plans différents pour n'animer que ce qui doit l'être, par exemple, les personnages, le décor ne bougeant pas ; ne réaliser que 12 dessins différents par seconde d'animation, chaque dessin étant photographié deux fois, ce qui n'altère pas beaucoup l'illusion du mouvement, etc.)

Un dossier pédagogique complémentaire à l'animation proposée ici est présenté à la page suivante.
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