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Document complémentaire au dossier pédagogique
réalisé par le centre culturel Les Grignoux et consacré au film
Eldorado
de Bouli Lanners

L'œil du peintre

«La peinture est toujours présente quand je filme. Chaque fois que je fais un cadre et qu'il est beau, c'est un tableau que je n'ai pas eu le temps de faireŠ». Voilà ce que confie Bouli Lanners, ancien élève de l'Académie des Beaux-Arts de Liège, au cours d'une interview menée dans le cadre de la sortie de son film, Eldorado. Et effectivement, on ne peut manquer d'être sensible au travail sur la lumière et aux couleurs chaudes qui font de la Wallonie un «pays doré», bien éloigné de l'imagerie triste et sale qui la représente très souvent au cinéma. Ainsi les travellings latéraux qui accompagnent le déplacement de la Chevrolet et qui font du film un vrai road movie alternent ici avec de larges plans fixes et silencieux qui s'installent dans la durée, invitant le spectateur à la contemplation: clairs-obscurs remarquables, ciel orageux qui surplombe les campagnes flamboyantes ou les épaisses forêts vertes; ciel bleuté par la nuit, strié de fils noirs reliant les poteaux électriques, espaces vides, déserts mettant en évidence la solitude des personnagesŠ Bien des plans du film ressemblent ainsi à des tableaux, même si les références qu'on peut y voir appartiennent à des écoles très différentes.

Ces caractéristiques nous amènent à suggérer aux spectateurs d'opérer un rapprochement de quelques images du film avec l'œuvre de l'un ou l'autre peintre. Cette approche esthétique, qui fait appel à la sensibilité artistique personnelle autant qu'à d'éventuelles connaissances antérieures, sera de préférence réalisée individuellement. Elle consistera pour chacun à identifier une ressemblance avec un tableau en feuilletant des ouvrages généraux d'art pictural ou encore en effectuant une recherche sur Internet via un moteur comme Google-Images, par exemple. Dans ce cas, il s'agira d'identifier au préalable un premier critère de sélection comme un motif (ciel, campagne, paysageŠ), un courant (romantisme, réalisme, école de BarbizonŠ), un peintre (Millet, Constable, HopperŠ) pour cibler la recherche.

Les images ainsi recueillies pourront ensuite être imprimées ou visualisées sur écran pour servir de base à une discussion en groupe autour de la dimension esthétique du film: qu'est-ce qu'Eldorado a de particulier, de différent des films qu'on a l'habitude de voir? qu'est-ce que cela apporte au film? est-ce que cette dimension est importante pour son propos?Š autant de questions qui permettront aux spectateurs d'évaluer la part artistique qui intervient de manière plus ou moins accentuée dans le travail de création du cinéaste et, plus tard, d'utiliser ces acquis pour remarquer dans d'autres films le travail de composition de l'image (cadrage, lumière, couleurŠ)

On trouvera ci-dessous quelques exemples de rapprochements et de commentaires qui pourraient être faits dans une telle perspective.

Cliquez sur les images pour obtenir une version agrandie dans une nouvelle fenêtre

Eldorado de Bouli Lanners

Pieter de Hooch
La buveuse

Pieter Janssens Elinga
Une dame avec un collier de perles

Vermeer de Delft
Le Concert

Le Nain
Le Souper chez Emmaüs

La peinture hollandaise du 17e siècle, dont Vermeer est aujourd'hui le représentant le plus célèbre, se caractérise souvent par le choix de scènes de la vie quotidienne dans des intérieurs tranquilles. Le point de vue du peintre est peu spectaculaire puisque l'axe de son regard est simplement perpendiculaire au mur du fond. Des objets, des ustensiles et des éléments de décor habilement disposés suggèrent cependant la profondeur de l'espace : dans le tableau de Vermeer reproduit ici, le dessin du carrelage au sol ainsi que la table à l'avant-plan donnent ainsi au spectateur l'illusion de cette profondeur; en outre, l'espèce de guitare posée sur un lourd tissu est vue dans un raccourci saisissant qui accentue la même impression. Chez de Hooch et Elinga, on remarque, outre le même genre d'ustensiles, la présence dans le mur du fond d'une porte ouverte, relativement petite, mais donnant sur une pièce fortement éclairée, ce qui attire facilement le regard : l'espace se creuse ainsi en profondeur malgré l'aspect frontal de la perspective.

La photo d'Eldorado est composée de la même manière puisque les deux personnages sont attablés parallèlement au mur du fond et perpendiculairement à l'axe de l'objectif. Mais plusieurs objets comme la table et le journal à l'avant-plan, les chandeliers et la porte ouverte à droite donnent de la profondeur à cette image en apparence statique. On remarque par ailleurs chez les peintres comme chez le cinéaste l'utilisation d'images de décoration (photos, peintures...) accrochées au mur du fond et qui sont comme une part de rêve ou d'imaginaire dans un univers quotidien et prosaïque.

Enfin, l'utilisation de la lumière est étonnamment similaire chez ces peintres et dans Eldorado. Elle provient dans ces quatre images d'une fenêtre située à gauche du cadre et est suffisamment forte et focalisée (c'est-à-dire venant d'une source unique comme un soleil non voilé) pour donner des ombres caractéristiques et une ambiance fortement contrastée (Elinga fait un peu exception puisque la pièce à l'avant-plan est plongée dans un légère pénombre, mais il joue précisément sur le contraste avec la cour visible à droite et à l'arrière-plan, fortement éclairée).

En revanche, la lumière chez Le Nain peut sembler beaucoup plus artificielle comme si la scène était éclairée par différents spots destinés à mettre notamment en évidence les visages. La disposition et la composition générale sont très différentes des autres images, et on n'a guère retenu cette peinture que pour le geste du Christ qui rappelle irrésistiblement celui de l'acteur Bouli Lanners, le doigt levé comme s'il allait énoncer des paroles graves et mémorables. Mais ici le "Christ" est sans aucun doute montré de façon ironique et décalée...



Henri de Toulouse-Lautrec
Portrait de Justine Dieuhl

George Grosz

Casquette rouge, sweat vert pomme, chemise hawaïenne, les contrastes sont un peu trop forts, trop accentués chez Didier. L'ensemble de l'image est quant à elle surchargée comme Yvan avec ses mains emplies de packs de bière. On remarque en outre les nombreuses inscriptions, logos et autres marques publicitaires sur les personnages et les décors. C'est une image typiquement moderne avec une accumulation d'éléments d'origines diverses formant des contrastes étranges, violents ou paradoxaux, très éloignés de l'harmonie de couleurs, de teintes et d'ambiance qu'on trouve dans la peinture classique jusqu'à la fin du 19e siècle.

C'est chez un peintre comme Toulouse-Lautrec (qui préfigure l'expressionnisme) qu'on trouve pour la première fois une telle recherche d'effets colorés violents comme ce rouge intense du châle contrastant aussi bien avec le bleu sombre de la robe qu'avec le vert criard de la végétation. Toulouse-Lautres ne cherche pas à faire "beau" ou "joli" ou "charmant", et il n'hésite pas à "maltraiter" son modèle dont le teint du visage oscille entre un beige blafard et un rose violacé. Mais, s'il ne "flatte" pas son modèle, s'il n'hésite pas devant des contrastes osés de couleur, le peintre parvient néanmoins à donner une grande cohérence à son tableau par l'homogénéité des teintes employées et par le rappel appuyé de certaines couleurs (par exemple, entre le visage et l'allée sur le côté). On remarque les mêmes effets dans cette image d'Eldorado où les contrastes n'empêchent pas un équilibre d'ensemble (grâce notamment à une judicieuse utilisation de la lumière qui harmonise l'ensemble).

Georg Grosz, peintre et graveur expressionniste allemand, n'a plus rien de "classique", et il n'hésite pas à insister par le trait sur la laideur du monde et des gens qu'il dépeint. Le monde moderne apparaît en outre chez lui sous la forme d'une accumulation d'éléments hétéroclites et déconstruits. On remarque notamment l'utilisation très moderne d'éléments de textes et d'affiches, utilisés comme des signes éparpillés n'évoquant plus que des bribes de signification. Même si l'image dans Eldorado reste "réaliste" et "photographique", elle est très éloignée de l'esthétique publicitaire par exemple, et Bouli Lanners ne recule pas comme Grosz devant la laideur ou le ridicule, surchargeant son image d'éléments multiples et hétéroclites issus notamment de la "société de consommation"; comme Grosz aussi, il aime parsemer ses images de signes ou de symboles (Jupiler, STP, Gulf, Champion...) qui semblent presque détachés de la réalité, mis en évidence de façon plus ou moins ironique.



Jean-François Millet
Homme avec une houe

Piero della Francesca
La mort d'Adam (détail)

S'appuyer sur une bêche (ou un manche en bois) : le geste est similaire dans les trois cas mais peut sembler extrêmement banal alors que, par ailleurs, les trois images n'ont pas grand chose d'autre en commun. Ce geste pourtant a une forte résonance symbolique. Il interrompt en effet un travail, un labeur particulièrement dur et pénible, celui de retourner la terre (un travail effectué d'ailleurs par la classe sociale traditionnellement la plus pauvre et la moins estimée, la paysannerie). Cette pause est alors l'occasion d'une rêverie ou d'une méditation sur son sort (particulièrement ingrat en particulier chez Millet) comme en témoigne en particulier le regard des personnages orienté vers le lointain (la fresque de Piero della Francesca est légèrement différente, on y reviendra).

Mais à quoi peut-on bien penser à ce moment ? Le regard vers l'horizon est sans doute signe de futur, l'homme semblant se tourner vers un avenir plus ou moins lointain. La terre, sur laquelle il appuie sa bêche ou sa houe, vient d'ailleurs d'être travaillée pour produire des plantes et des fruits futurs. Mais cette terre enferme aussi une signification beaucoup plus sombre que l'homme qui la travaille ne peut ignorer, celle de la mort, celle de sa mort future, inéluctable, puisque, dans notre civilisation, les morts sont généralement enterrés (selon la formule biblique "souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière"). L'accablement du paysan à la houe de Millet est très visible, mais la méditation d'Yvan semble également bien mélancolique.

Cette image du film Eldorado n'est donc pas du tout anodine si on est un peu sensible à sa dimension symbolique et qu'on se souvient également de la solitude du personnage fortement affecté par la mort de son frère. La fresque de Piero della Francesca explicite d'ailleurs la signification de ce geste, puisqu'elle nous montre la mort d'Adam (le premier homme) entouré de sa famille dont un de ses fils, vu de dos et appuyé sur un bâton fiché en terre. Le contraste est visuellement très fort entre la force de ce jeune homme et la vieillesse décharnée de son père (et de sa mère). Ce que le fils contemple appuyé sur son bâton, c'est son propre avenir, sa propre mort à venir.

Même si formellement les trois images sont très différentes, le choix de représenter un tel geste, un tel moment — qui peut sembler insignifiant —, s'explique sans doute par cette dimension symbolique plus ou moins sensible selon les différents spectateurs.



Grant Wood
American Gothic

Fernando Botero
Un couple(1995)

Les personnages posent frontalement en couple pour le peintre ou le photographe. Ils veulent donc donner la meilleure image d'eux-mêmes au spectateur en exhibant soit leurs plus beaux atours (chez Botero, chez Grant Wood), soit leurs instruments de travail (chez Grant Wood, dans Eldorado). Mais le regard des peintres comme du cinéaste (qui est ici son propre acteur) est ici ironique et plein de dérision. Chez Botero, la déformation, le "grossissement", est évidemment caricatural, tandis que chez Grant Wood, la rigueur des traits, le sérieux des visages semblent bien sûr exagérés. La fourche, que tient le personnage d'American Gothic, est également mise en avant de façon à la fois brutale — veut-il en frapper le spectacteur ? — et risible. Dans Eldorado, Bouli Lanners ne recule pas devant l'auto-dérision qui se signale notamment par le contraste entre les deux personnages (le gros et le maigre, Laurel et Hardy...) et par l'attitude au garde-à-vous avec les bêches remplaçant les fusils absents.

Si l'impression caricaturale domine ces trois images, leur caractère frontal peut cependant nous interpeller : les personnages sont volontairement tournés vers le spectateur comme s'ils s'adressaient à lui. Ils sont peut-être ridicules ou risibles, mais ce sont des êtres humains comme nous. Et peut-être, sommes-nous, nous aussi, ridicules sans le savoir ?



Jacob van Ruisdael
Le moulin à vent de Wijk-lez-Duurstede

Joseph Anton Koch
Les chutes de Schmadribach

Lorsqu'on regarde un paysage, l'horizon est d'autant plus haut que l'observateur est lui-même situé en hauteur. Plus l'observateur s'abaisse, plus la ligne d'horizon elle-même s'abaisse. C'est ce qu'on observe en particulier dans le tableau du plus célèbre des paysagistes hollandais du 17e siècle, Jacob van Ruisdael : le peintre est à hauteur des personnages surplombés par la grande silhouette du moulin à vent et surtout par un ciel immense et nuageux. Les personnages semblent ainsi minuscules, "écrasés" par l'immensité du monde qui les entoure. Cette impression est en outre renforcée par le sujet même du tableau qui représente vraisemblablement le départ d'un bâteau de pêche alors que les femmes des marins les observent ou les saluent de la jetée : la fragilité de l'homme, en particulier des marins toujours exposés à la violence possible de la mer, est ici sensible malgré le calme apparent de ce paysage.

L'effet est très proche dans cette image d'Eldorado où les deux personnages apparaissent minuscules au milieu de la rivière. Le paysage environnant paraît les surplomber puisque la ligne d'horizon est ici aussi abaissée pratiquement au niveau de la rivière. L'utilisation d'un objectif grand angle (le contraire des jumelles), qui élargit les avant-plans, accentue également cet effet.

Le tableau de Joseph Anton Koch, un peintre romantique allemand, semble à l'opposé de celui de Ruisdael puisque son format est vertical et que le point de vue adopté est relativement surélevé (il est manifestement plus haut que le personnage que l'on voit debout dans le coude de la rivière). Néanmoins, l'effet est similaire puisque le personnage — l'être humain — apparaît ici dans toute sa petitesse, sa fragilité face à un paysage majestueux et menaçant. Mais c'est le choix d'un paysage "romantique", torturé, sauvage, impressionnant, qui produit essentiellement cet effet alors que, dans Eldorado ou chez Ruisdael, les paysages sont en eux-mêmes peu spectaculaires. Dans ces deux cas, c'est le cadrage essentiellement qui parvient à nous communiquer l'impression mélancolique de personnages perdus au milieu d'une nature qui les dépasse.



Théodore Rousseau
La plaine de Chailly

Edward Hopper
Gas

Ces trois images semblent ne pas à voir grand-chose en commun si ce n'est peut-être une même ligne d'horizon rectiligne et bien marquée. Pourtant, on peut ressentir une même impression face à trois images. L'image d'Eldorado joue sur le contraste entre les couleurs vives et joyeuses du paysage (des taches rouges sur un fond d'un beau vert) et la tristesse sinon le désespoir du personnage recroquevillé et indifférent à la beauté qui l'entoure. Isolée ainsi, l'image suggère une tristesse, une douleur dont la cause est absente, non visible, même si d'autres éléments du film peuvent nous apporter des éclaircissement à ce propos.

Les deux tableaux proposés, où l'être humain paraît absent (Rousseau) ou presque effacé (Hopper), peuvent pourtant produire la même impression. Le paysage de Théodore Rousseau se signale par son vide, son uniformité et sa maigre végétation. Rien n'accroche le regard sauf l'espèce de z que font les hautes herbes (à contre-jour) au bord d'un chenal ou d'une rivière (mais ce n'est même pas sûr). Une barrière en apparence inutile bloque par ailleurs le mouvement du regard qui se porte vers l'horizon. Aucune beauté, aucun relief, un paysage désoléŠ tout nous souggère ainsi que la "vraie vie" est ailleurs, au-delà de l'horizon, et une indicible mélancolie peut bien nous envahir face à ce tableau aussi tranquille que désespéré.

Hopper l'Américain utilise des moyens très différents pour produire un effet très similaire. Il use de belles couleurs (le rouge des pompes, le bleu de la station, le jaune du sol, le roux des herbes folles) et de contrastes expressifs (le soleil couchant, les lumières artificielles, l'obscurité envahissante, les ombres bleutées). Tout semble tranquille comme cet homme qui range sans doute son matériel. Mais comment ne pas être également sensible à la mélancolie de cette fin de journée devant cet homme si seul en apparence, entièrement occupé à sa tâche sans aucune conscience de la beauté des choses au milieu desquelles il se trouve presque malgré lui. Seuls le peintre et son spectateur paraissent voir cette beauté alors que l'homme au contraire, déjà âgé, est complètement absorbé par sa tâche quotidienne. Et cette fin du jour, qui pour lui n'est que la fin de son travail quotidien, nous apparaît alors facilement comme celle de la vie elle-même, comme la mort qui envahit de sa noirceur tout le paysage environnant.


Comparaison n'est pas raison ?

Les interprétations proposées ici peuvent paraître forcées pour au moins deux raisons. La première est que ces photos d'Eldorado ne sont pas des images mêmes du film (ce qu'on appelle parfois des photogrammes) mais des images prises par un photographe de plateau dont le point de vue ne coïncide pas avec celui de la caméra. Certaines situations montrées par les photos de plateau peuvent d'ailleurs ne pas apparaître dans le film parce qu'elles n'ont pas été retenues au montage. Par ailleurs, les images proposées ici sont fixes alors que, par définition, le cinéma montre le mouvement des personnages, le déplacement des objets, la transformation des choses. L'image au cinéma est éphémère, et il est donc impossible de procéder à de telles analyses au cours de la projection.

La comparaison garde cependant une certaine pertinence car il ne s'agit pas ici d'expliquer le film de Bouli Lanners ni même de l'analyser de façon objective (ce qui impliquerait de travailler sur une copie exacte du film). L'objectif ici est de réfléchir sur nos propres impressions de spectateur qui sont ressenties de façon confuse, vague et informelle. Bien souvent, nous ne sommes même pas capables de mettre des mots sur ce que nous avons éprouvé au cours de la projection. Ce qui importe ici, c'est que ces photographies de plateau reflètent, au moins de façon partielle, ou simplement réveillent les émotions que nous avons ressenties à la vision du film (Bouli Lanners a certainement sélectionné lui-même ces photos ou a au moins donné son accord à leur publication pour accompagner la sortie de son film). La comparaison avec des peintures, parfois très différentes, permet alors plus facilement, nous semble-t-il, de réfléchir sur ces impressions et d'expliciter (dans une certaines mesure) ce qui est vécu habituellement de façon implicite.

Pour juger de la validité de ces comparaisons, il faut donc surtout se souvenir de ce que nous avons ressenti lors de la projection et voir si les analyses proposées rendent compte de ces impressions (plus que des images en elles-mêmes). Ainsi, on se demandera si le film se caractérise bien par ce mélange de mélancolie et de caricature, s'il a par moments une tonalité méditative et parfois même funèbre même si la mort n'est évoquée que de façon indirecte, s'il joue sur le contraste ou au moins sur une légère opposition entre des intérieurs tranquilles, reposants, et des paysages qui semblent agrandis ou démesurés, ou encore s'il met en scène (souvent de façon audacieuse) différentes formes de laideur grotesque dont l'humanité n'est pourtant jamais gommée, ou enfin s'il exprime une souffrance qui semble à la fois indicible et incommunicable. Bien entendu, la réponse appartient en définitive à chaque spectateur et non à l'analyste des images.


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