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Une analyse réalisée par le centre culturel Les Grignoux
et consacrée au film
Billy Elliot
de Stephen Daldry
Grande-Bretagne, 2000, 1 h 50


1. Le film

Au début des années 80, les mineurs d'Everington, dans les environs de Durham, sont en grève à cause des menaces de fermeture qui pèsent sur les mines de charbon. C'est dans cette ambiance difficile que le jeune Billy se découvre une passion pour la danse classique alors que son père l'envoie à la salle de sports pratiquer la boxe. Le film se construit ainsi sur le contraste entre deux mondes opposés, celui mâle et violent des ouvriers confrontés à la menace de leur propre disparition et celui raffiné et élitiste que représente la danse classique : tout le parcours de Billy Elliot va alors consister à faire se rencontrer, souvent de façon conflictuelle, ces univers que tout sépare en apparence.

2. Le public auquel le film est destiné

Ce film qui retrace un parcours d'adolescent s'adresse plutôt à un jeune public entre douze et quinze ans environ. Même s'il s'agit d'un film facile d'accès, il joue cependant sur les limites de la définition socioculturelle des sexes — « un garçon qui fait de la danse est un homosexuel » — et peut donc susciter de très fortes résistances et le rejet d'une partie du public adolescent.

3. Rapport avec la problématique santé

Résilience

Billy Elliot n'est-il pas l'archétype du «vilain petit canard» dont parle Boris Cyrulnik dans son livre [1] : danseur parmi les boxeurs, rêveur dans la dure réalité sociale de l'Angleterre tatchérienne ? Cette dimension héroïque du personnage ne sonne cependant pas faux, car si les réalités qu'il doit affronter sont particulièrement rudes (la mort de sa mère, la surveillance de sa grand-mère qui « perd la tête », la tendresse de son père et de son frère bien dissimulée, etc.), les ressources de Billy existent. Et elles sont tout autant internes (une force morale qui s'appuie sur des convictions, des passions, de la curiosité) qu'ex-ternes (un professeur de danse qui croit en lui, une famille qui sait malgré tout être là quand il le faut...). Ainsi le fameux concept de résilience, particulièrement développé par Boris Cyrulnik en France, trouve ici une illustration intéressante. Une analyse plus approfondie, pouvant éventuellement se mener dans le cadre d'une animation, pourrait tenter de faire apparaître les éléments de la personnalité ou de l'environnement de Billy qui l'aident à surmonter les épreuves et les souffrances. En d'autres termes, repérer les facteurs de résilience sur lesquels il s'appuie, par exemple la créativité dont parie beaucoup Boris Cyrulnik.

Affirmer sa différence

La singularité de Billy est le ressort principal du film : va-t-il parvenir à vivre ses passions, sa curiosité, ses projets, malgré les normes sociales, culturelles et familiales contraires qui lui sont imposées ? C'est sur cette capacité à exister de façon singulière, sans se couper de son environnement, mais au contraire en le mobilisant de façon positive et attentive, que reposent l'équilibre et la force de ce personnage. Cette dynamique psychologique représente aussi un vrai thème d'éducation pour la santé !

Homosexualité

Si Billy lui-même ne vit pas de relation homosexuelle (malgré son attirance pour un « sport de fille » !), la confrontation à son meilleur ami qui, lui, est attiré par Billy et par les habits de sa sœur, est particulièrement intéressante et sensible. Billy est tout d'abord surpris par les déguisements et les maquillages de son ami, mais cette surprise est suivie d'une tendre et respectueuse distance et non pas d'un rejet. Cette « déclaration » d'attirance voire d'intention, ne brise ni leur complicité, ni leur affection, car elle se fait dans un respect mutuel réel. Si la gestion de cette situation peut sembler idéalisée, elle n'en fournit pas moins un sujet de réflexion et de débat intéressant pour parler d'attirance pour une personne du même sexe, d'homosexualité, et d'acceptation des choix de chacun.

4. Quelques suggestions d'animation.

La discussion en groupe à propos d'un film notamment en milieu scolaire rencontre deux écueils principaux : les participants se contentent souvent d'affirmations générales dont ils ont l'impression qu'elles constituent la bonne réponse aux sollicitations de l'animateur (ou qui représentent une provocation plus ou moins subtile à son égard), sans que ces opinions plus ou moins impersonnelles ne soient révélatrices des véritables attitudes de l'individu. Par ailleurs, le groupe peut avoir un effet inhibiteur sur l'expression d'opinions qui pourraient être perçues comme minoritaires ou illégitimes.

Or précisément, le film de Stephen Daldry met en scène un personnage qui rompt de façon plus ou moins volontaire, plus ou moins difficile, avec les normes de son groupe. Mais il serait naïf de croire que cet exemple suffira à susciter des émules notamment dans une classe d'adolescents. Sans donc prétendre pouvoir lever de telles résistances, l'animation que nous proposons souhaite favoriser l'expression chez de jeunes participants des malaises éventuels que peut provoquer l'appartenance (souvent involontaire et subie en milieu scolaire) à un groupe aux normes sans doute implicites mais également contraignantes.

Cette animation pourra comporter deux parties. Les participants seront d'abord invités à répondre à un questionnaire d'évaluation sur le film. Plutôt que de leur demander un avis général sur Billy Elliot, l'on préférera en effet leur demander de porter une appréciation sur une série de scènes du film accompagnées par exemple d'une échelle à cinq points (de « cela me touche personnellement » à « cela me laisse indifférent »). Cette façon de faire devrait permettre à chaque participant de nuancer son avis et par ailleurs de favoriser l'expression d'opinions minoritaires ou « hétérodoxes ».

Les scènes suivantes pourraient être ainsi reprises dans ce questionnaire :

  • Billy part à la recherche de sa grand-mère qui perd la tête et s'est égarée dans la campagne environnante.
  • Le père de Billy lui demande d'arrêter de jouer du piano parce que cela l'énerve.
  • Les mineurs en grève injurient les « jaunes » et lancent des œufs sur le bus qui les emmène au travail sous la protection de la police.
  • Billy s'entraîne à la boxe surtout parce que son père l'y oblige. Il n'est manifestement pas doué.
  • Billy se fait enguirlander à plusieurs reprises par son frère aîné Tony.
  • Madame Wilkinson réclame 50 pences à Billy pour le cours de danse.
  • Billy vole un livre sur la danse dans le bibliobus.
  • Heureux de sa réussite, Billy danse autant qu'il court dans la rue.
  • À la maison, Billy et son père discutent de la danse : son père est furieux parce qu'il a l'impression que Billy fait semblant de ne pas comprendre ce qu'il veut dire; finalement, Billy s'enfuit en courant.
  • Chez madame Wilkinson, Billy joue avec sa fille Debbie, les plumes de l'oreiller s'envolant autour d'eux.
  • Billy se rend chez son copain Michael qui lui ouvre la porte, porteur de vêtements féminins. Billy est manifestement gêné par ce comportement et regarde notamment par dessus son épaule pour voir si personne ne l'observe.
  • Sur le pont roulant, madame Wilkinson évoque le thème du ballet, Le lac des cygnes, une jeune princesse abandonnée finalement par celui qu'elle aime.
  • Une nuit, Billy se rend dans la cuisine pour boire du lait. Sa mère morte réapparaît un court moment.
  • Au vestiaire, Debbie, la fille de madame Wilkinson, essaie d'attirer l'attention de Billy, mais en vain semble-t-il.
  • Tony, le frère de Billy, est un des meneurs de la grève et se fait poursuivre puis tabasser par les policiers.
  • Madame Wilkinson se rend chez Billy où elle se dispute notamment avec Tony à peine sorti de prison. Tony attrape Billy et le fait monter sur la table pour qu'il lui prouve ses talents de danseur.
  • Billy furieux et malheureux s'enfuit et se réfugie dans les toilettes dont il démolit la porte à coups de pied.
  • La nuit de Noël, toute la famille de Billy est réunie autour d'un feu de bois... alimenté par les restes du piano. Coiffé d'une couronne en papier, le père pleure.
  • Surpris par son père au gymnase, Billy se met à danser jusqu'à se retrouver planté devant lui et lui tenir tête.
  • Le père de Billy se rend chez un prêteur sur gages avec les bijoux de sa femme pour obtenir un peu d'argent.
  • À l'école de danse, Billy a l'impression d'avoir complètement raté son examen et s'en prend à un autre enfant qui essayait de le réconforter maladroitement.
  • Billy et son père se retrouvent devant le jury d'examinateurs. Ils sont manifestement mal à l'aise.
  • Toute la famille de Billy attend qu'il leur livre le résultat de l'examen. Le père reste d'abord immobile, puis n'en pouvant plus se lève et vient ouvrir la porte derrière laquelle Billy est enfermé.

Si c'est possible (par exemple, s'il y a une interruption dans l'animation), l'animateur procédera à un dépouillement systématique de ce petit sondage d'opinion en calculant notamment la moyenne et la variance de chaque item (ce qui se fera très facilement avec un logiciel comme un tableur). Sinon, il essaiera de repérer de manière plus intuitive les séquences ayant suscité les plus fortes réactions. Celles-ci pourront alors faire l'objet d'une discussion collective sur les émotions ressenties par les jeunes spectateurs : pour donner une certaine consistance à cet échange, l'animateur mettra notamment l'accent sur les procédés cinématographiques qui contribuent à produire ces émotions. Les participants risquent en effet de ne guère trouver d'intérêt à l'échange si on leur demande seulement d'exprimer ce qu'ils ont ressenti (ils peuvent même de ce point de vue traduire certaines résistances); en revanche, l'utilisation du questionnaire permet de montrer que certaines réactions sont plus ou moins largement partagées, et l'analyse cinématographique (même si elle reste sommaire) permet d'apporter aux participants un « gain cognitif » suffisant pour justifier leur intérêt. La place manque bien sûr pour faire ici une telle analyse mais l'on soulignera la stylisation de ce film qui, loin d'adopter une esthétique réaliste, établit par exemple un parallèle entre le mouvement des grévistes confrontés à la police et celui des danseuses sous les ordres de madame Wilkinson. Sur le même mode d'un parallélisme entre des univers hétérogènes, le réalisateur utilise la musique la plus pathétique du Lac des cygnes pour magnifier le mouvement mécanique d'un pont roulant. Semblablement encore, c'est le boogie-woogie qui permet d'établir un montage parallèle entre d'une part la danse expressive de Billy et de Madame Wilkinson et d'autre part les activités prosaïques de la famille de Billy (le père fait sa toilette, le frère chante en prenant les poussières, la grand-mère esquisse un pas de danse).

Dans une seconde partie, l'animateur demandera aux participants d'expliquer individuellement et par écrit quel est le personnage dont ils se sentent le plus proches et pourquoi ils se sentent proches de lui. Construit sur l'opposition entre deux mondes contrastés, Billy Elliot met en effet en scène une galerie de personnages très différents l'un de l'autre, correspondant au moins en partie à la diversité des publics. Citons en vrac : Billy, son père, son frère Tony, madame Wilkinson, sa fille Debbie, Michael le copain de Billy, etc. L'animateur mettra ici l'accent sur l'aspect personnel de ce travail d'expression, chacun étant invité à évoquer des événements ou des épisodes qui lui semblent proches de l'expérience du personnage de Billy Elliot qu'il aura retenu. Si la première partie de l'animation a permis de dégager l'un ou l'autre thème sensible pour les participants, on pourra d'ailleurs centrer ce travail autour de ce seul thème : la figure de Billy permettra par exemple facilement d'aborder une question comme les conflits avec les parents, chacun pouvant sans doute facilement évoquer l'une ou l'autre anecdote à ce sujet. Bien entendu, il faut garantir aux participants l'anonymat de cette rédaction qui aura été rendue possible par tout le début de l'animation destinée notamment à établir un climat de confiance dans le groupe : il est clair en effet que demander de but en blanc un tel travail d'expression personnelle serait impossible sans une telle préparation.

Enfin, l'on insistera sur l'importance du travail d'écriture (qui pourra être aidée par l'animateur), les textes rédigés étant destinés à une lecture publique même si celle-ci reste anonyme. Les textes seront donnés à l'animateur qui se chargera de les retranscrire (sur un traitement de texte) et qui remettra ensuite l'ensemble aux participants, accompagné notamment des résultats du premier sondage s'il n'a pas encore eu l'occasion d'en distribuer les résultats. Cette manière de procéder vise notamment à laisser l'impression aux membres du groupe que l'animation ne consiste pas en une simple discussion à bâtons rompus mais peut déboucher sur une véritable production. L'expérience montre d'ailleurs que les enfants et les adolescents sont très attentifs à la lecture des textes réalisés dans une telle perspective. Les résultats d'ensemble de l'animation pourront éventuellement être repris ultérieurement dans un autre travail d'animation autour des thèmes plus ou moins sensibles qui auront pu apparaître à cette occasion.


[1] Boris Cyrulnik, Les vilains petits canards. Paris : Odile Jacob, 2001 : 278 p.


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