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Une analyse réalisée par le centre culturel Les Grignoux
et consacrée au thème
le vieillissement au cinéma
à travers quelques films significatifs


Cinéma et vieillissement

Bien vieillir ce n'est sans doute pas seulement bien manger, bouger plus, boire peu (ou pas ?)... C'est en tout cas ce que le cinéma semble prétendre. Les films abordant la question du vieillissement ne sont pas très nombreux, en comparaison par exemple à ceux évoquant l'adolescence. Et les quelques-uns que nous avons pu repérer parlent essentiellement des relations sociales et humaines que nos sociétés et que nous-mêmes, sommes en capacité ou en difficulté de faire vivre à l'âge de la vieillesse...

Et si une fois de plus la lumière des salles obscures nous éclairait utilement ? Voici en tout cas quelques vignettes d'une sélection subjective et partielle de films évoquant le vieillissement.

Gran Torino

un film de Clint Eastwood
USA, 2008, 1h65

La carrière de Clint Eastwood, acteur et réalisateur, a étonné plus d'un observateur : icône d'une virilité taciturne dans les westerns spaghetti de Sergio Leone (Pour quelques dollars de plus, Le Bon, la Brute et le Truand...) ou dans la série policière des inspecteurs Harry, il réalise à partir des années 1970 des films souvent marqués par la nostalgie et l'ambiguïté (Bird en 1988, Sur la route de Madison en 1995, Mystic River en 2003...). En même temps, il se met lui-même en scène comme acteur dans des rôles où son propre vieillissement, loin d'être nié, a une réelle importance : en cela, sa carrière se distingue notamment de celle de ses grands aînés du cinéma classique américain (dont on le rapproche souvent) comme John Ford qui évoque dans nombre de ses films le passage de l'âge mais à travers la personnalité d'acteurs fétiches (comme John Wayne).

Dans Unforgiven déjà (Impitoyable, 1992), un western crépusculaire qui semble sonner le glas du genre, Eastwood (alors dans la soixantaine) joue le rôle d'un cow-boy veuf, pauvre, vieillissant, qui ne monte plus que difficilement à cheval. Beaucoup plus ironique et léger, Space Cowboys (2000) le transforme en retraité de la Nasa appelé pourtant à remplir une mission spatiale que ses collègues plus jeunes sont incapables d'accomplir. Million Dollar Baby (2005) le voit en entraîneur d'une boxeuse qui pourrait être sa fille (ou même sa petite-fille) mais qui va lui renvoyer l'image de l'échec de sa propre vie.

Dans Gran Torino enfin (2009), il incarne un veuf retraité que ses enfants veulent mettre dans une maison de repos mais qui va s'obstiner à continuer à vivre seul dans sa maison. Le quartier aux alentours se transforme cependant et se peuple d'immigrants notamment asiatiques, ce qui ne manque pas de susciter des réflexions amères chez cet ancien combattant de la guerre de Corée, par ailleurs ancien ouvrier de Ford qui constate que ses concitoyens préfèrent désormais acheter des voitures japonaises. Il va pourtant se lier peu à peu avec un jeune garçon d'origine hmong [1] souffre-douleur des bandes aux alentours...

Hargneux, misanthrope, le vieux Kowalski semble encore vouloir jouer au justicier, le fusil à la main, mais ce rappel des rôles anciens de Clint Eastwood apparaît en fait comme un démenti ou un faux-semblant : l'âge a changé son regard sur le monde, et la relation aux autres, jusque-là méprisés ou rejetés, devient au final son véritable objectif. La volonté de justice s'efface alors devant un désir de réconciliation. Comment se réconcilier avec les autres, avec les générations qui le suivent, avec le monde qui vient, tel semble être cette leçon de fin de vie. On ne parlera cependant pas de leçon de morale mais plutôt d'un véritable changement de point de vue (ou de priorités) que provoque ou que permet l'âge avec le retrait notamment de la vie active.

Si la question de l'âge est souvent posée en termes de santé physique, ce film et d'autres (on peut également songer à ce grand classique de Bergman, Les Fraises sauvages) soulignent combien les relations sociales ou simplement humaines deviennent alors importantes.


1. Pour rappel, il s'agit dune population du sud-est asiatique qui a notamment été engagée aux côtés des Américains pendant la guerre du Viêt-nam.


 

Les Plages d'Agnès

un film d'Agnès Varda
France, 1008, 1h60

Agnès Varda, auteur confirmée, étroitement liée à la Nouvelle Vague, a une réputation qui peut être intimidante pour certains spectateurs. Parmi ses derniers films, La Glaneur et la Glaneuse et Les Plages d'Agnès lui ont permis néanmoins de séduire un plus large public.

Les Plages d'Agnès se présente comme un documentaire autobiographique qui permet à Agnès Varda de passer en revue quelques grandes étapes de sa vie et surtout de faire état d'un grand nombre de rencontres, en particulier avec Jacques Demy, son compagnon disparu trop tôt en 1990. Plutôt qu'un récit strictement chronologique la cinéaste a néanmoins préféré une forme légère, un collage de moments et de bouts de films qu'accompagne sa voix chaude et enveloppante.

Si la mélancolie n'est pas absente, l'humour et la liberté de ton donnent une étonnante vitalité à l'ensemble. Les plages qu'elle aime particulièrement y forment notamment un motif récurrent, tout en lui permettant de subtiles expériences visuelles.

Loin de toute forme de bilan, le film vagabonde ainsi à travers les époques avec d'incessants allers-retours entre le passé et le présent, entre les traces d'une histoire et un travail actuel, toujours intense. À « quatre-vingts balais » (selon sa propre expression), Agnès Varda fait face sans détour à l'âge et au passage du temps avec des évocations chaleureuses (de ses enfants ou de ses petits-enfants notamment) et des moments de deuil ; mais elle donne surtout une belle leçon de créativité qui apparaît comme la clé (ou une des clés) d'une vieillesse heureuse.


 

Une histoire vraie

un film de David Lynch
USA, 1999, 1h61

Le titre original, comme souvent est plus intéressant que sa traduction : "A Straight Story". "Straight" se trouve être l'authentique nom de famille du personnage principal (car il s'agit... d'une histoire vraie, pour aussi incroyable qu'elle puisse paraître), mais ce terme signifie également "droit", "correct", "juste"...

Cette histoire, peut se résumer en quelques lignes : Alvin Straight, sémillant vieillard de 73 ans, décide en apprenant l'attaque cardiaque de son frère avec qui il est brouillé depuis plus de dix ans, de faire le voyage de l'Iowa jusqu'au Wisconsin afin de renouer avec lui. Mais ne sachant pas conduire, ne voulant ni prendre le car, ni être conduit par quelqu'un d'autre, il va décider d'entreprendre les quelques 6OO kms qui séparent les deux états en utilisant... sa tondeuse à gazon, attelée d'une sorte de roulotte de camping !

Alvin décide donc de "prendre la route à nouveau" pour nous proposer en effet un véritable « road movie » si cher à la littérature et au cinéma américains. Le film épouse le rythme de ce personnage et de ce pèlerinage incroyables : celui lent et fragile, d'un vieil homme qui s'aide de deux cannes pour marcher et se déplace à bord d'un véhicule guère plus rapide qu'un vélo

.

Très vite s'efface le sentiment d'assister à un voyage bizarre au profit d'une familiarité naturelle avec l'entreprise d'Alvin Straight qui déclare que "l'on voit mieux les choses assis". Par la fluidité de la mise en scène, le film devient l'espace arpenté par Alvin. Qu'Alvin soit contraint, à la suite d'une panne de revenir en arrière pour changer de véhicule le film s'en retourne avec lui. De même quand un camion le double et que la violence du souffle d'air fait s'envoler son chapeau, David Lynch accorde à Alvin tout le temps nécessaire pour arrêter son moteur, saisir ses deux cannes et aller ramasser l'objet échoué sur la route quelques mètres plus haut.

À l'heure de notre frénésie moderne, des spectateurs pourront trouver ce film exagérément lent. C'est précisément l'un de ses propos importants que de prétendre que des aspects importants de l'existence ne se perçoivent qu'avec des retours en arrière, des pauses, de la patience. C'est sans doute ce que la vieillesse peut apprendre et que notre vie moderne permet de plus en plus rarement...

Au terme du voyage, Alvin retrouve son frère Lyle (poignant Harry Dean Stanton). Nous n'apprenons rien ou très peu de leur querelle ancienne. Mais plutôt que l'effort si singulier de ce voyage, cette tentative de rapprochement si singulière, permettent de retrouver le respect et de retisser le lien, rompu depuis longtemps. Si Alvin a fait un tel chemin pour venir le voir, Lyle ne peut pas faire moins que de l'accueillir, au sens le plus humain du mot.


 

Mischka

Un film de Jean François Stévenin
France, 2002, 1h66

Mischka est un vieillard oublié par sa famille au bord d'une autoroute. En marchant, il arrive dans un hospice en Bourgogne où il est accueilli par Gégène, un infirmier lui aussi passablement malmené par la vie. En bisbille avec la direction, Gégène prend en affection le vieillard mutique et obèse, et le baptise Mischka, comme le petit ours solitaire des albums du Père Castor. Et c'est ainsi que débute ce road-movie, tout à fait à la française cette fois-ci et sur les routes de la Bourgogne à la Gironde.

Mais le voyage est capricieux, les rencontres et les hasards se succèdent. Certains personnages sont mobiles, et feront route avec les deux compères: la jeune Jane et son petit frère, la bohémienne Joli-Coeur. D'autres sont sédentaires, et seront au centre de certaines digressions du récit, comme Muller, le copain un peu fêlé de Gégène, autour de qui se met en place l'une des scènes les plus surprenantes du film, celle où Johnny - Le Johnny - descend du ciel en hélicoptère pour venir au milieu des champs voir son vieux pote.

Ces accès d'invraisemblance semblent affirmer que nos voies les plus fondamentales sont parfois à rechercher hors des sentiers battus. Jane veut retrouver son père, Gégène se trouver une fille, et Mischka veut vivre, tout simplement, entouré de cette nouvelle famille qu'il s'est trouvée sans le vouloir, et qui se maintient autour de lui par une sorte de pouvoir magique de l'amitié.

Le film s'ouvre sur les exaspérations d'un vacancier conduisant sa tribu (épouse, filles et père impotent) vers les plages de l'Atlantique : personne n'est heureux de son sort, les gens restent ensemble et rêvent d'aller ailleurs. Les "héros" de Stévenin sont à la dérive, pas à leur place, embarrassés de leurs corps et de rêves qu'ils ont du mal à dire. C'est donc une véritable évasion que vont réaliser Mischka et Gégène ; mais ces hommes "libres" n'auront de cesse de retrouver des liens avec les autres. Gégène retrouvera-t-il un père, une fille, puis une femme ? Massif, placide, toujours un peu égaré, mais parfois tellement lucide, le personnage de Mischka, semble incarné ce besoin de lien humain que la vieillesse n'atténue pas. Au contraire.


 

Wolke 9 - Septième ciel

un film d'Andreas Dresen
Allemagne, 1h36, 2008

Wolke 9 est l'œuvre d'un jeune cinéaste allemand, Andreas Dresen, qui met en scène un couple : Inge, la soixantaine, et son mari Werner, un peu plus âgé qu'elle. Pour gagner un peu d'argent, Inge fait des petits travaux de couture. C'est ainsi qu'elle rencontre Karl, 76 ans, qui a quelques vêtements à faire retoucher. Entre eux, c'est le coup de foudre : Inge devient la maîtresse de Karl.

Si ce n'était l'âge, c'est à une histoire d'amour banale que nous assisterions. Mais précisément, c'est l'âge des protagonistes qui fait toute la différence.

Amoureuse, Inge entame une double vie : d'un côté, la passion, le plaisir sexuel, la complicité muette... de l'autre, le secret, l'affection et la tendresse pour son mari, entachées de la crainte que toute sa vie bascule. Et en effet, alors que la fille de Inge (qui n'est pas la fille de Werner) apprend avec surprise, certes, mais aussi avec une joie et une émotion sincères la nouvelle de la passion toute neuve de sa mère, Werner, lui, n'accepte pas la confession de sa femme et entre dans une colère assez bouleversante. Finalement, Inge quittera le domicile conjugal pour s'installer chez Karl, laissant Werner dans un état de dépression irréversible.

Le film se distingue par son réalisme mais aussi par sa justesse, autant dans les scènes d'amour, montrées sans fausse pudeur, où l'on voit les corps nus et flétris, que dans les scènes ordinaires (garde un peu « obligée » des petits enfants, participation à la chorale, dimanches en famille, ...) Mais le plus surprenant est sans doute la « transfiguration » des amants : Inge se sent comme une jeune fille ; elle rajeunit en vivant cette passion inattendue. Il faut voir son fou rire d'adolescente alors qu'elle raconte à son mari une devinette salace que lui a posée son amant...

Il faut voir aussi l'émotion des amoureux lorsque Inge rejoint Karl à une manifestation sportive à laquelle il l'a invitée, alors qu'elle avait décidé que leur première relation sexuelle n'aurait pas de suite, jugeant sans doute déraisonnable une liaison adultère à son âge...

Avec Wolke 9, Andreas Dresen développe le thème de la sexualité des personnes âgées, mais aborde surtout la jeunesse du cœur et des sentiments, qui ne semblent pas vieillir au même rythme que les corps. À l'incandescence des sentiments de Inge pour Karl répond la souffrance de Werner, touché par la jalousie et le sentiment d'abandon. Au final, c'est un regard humaniste et plein de respect porté sur la vieillesse, qui invite le spectateur de tout âge à dépasser les préjugés et les stéréotypes.


 

O'Horten - La nouvelle vie de Monsieur Horten

un film de Bent Hamer
Norvège, 1h30, 2007

Bent Hamer, réalisateur norvégien, entreprend de nous conter la fin de la carrière professionnelle de Monsieur Horten, conducteur de train. En effet, Monsieur Horten a atteint l'âge de la retraite et son TGV file pour la dernière fois dans les immensités glacées entre Oslo et Bergen. Ses collègues des chemins de fer ont organisé un pot de départ, mais l'immeuble dans lequel la réception doit se tenir est en cours de sablage et Monsieur Horten, face à un immense échafaudage couvert de bâches, n'en trouve pas l'entrée !

C'est ainsi que commence pour lui une nuit très étrange, pleine de rencontres inattendues et d'incidents improbables, à tel point que pour la première fois de sa vie, Monsieur Horten rate « son dernier voyage » : le lendemain matin, il n'arrive pas à l'heure à la gare où il doit, pour la dernière fois, faire le retour vers Oslo.

O Horten est une comédie poétique et loufoque sur « la nouvelle vie » qui commence à la soixantaine, quand s'achève la vie professionnelle. L'existence de conducteur de train de Monsieur Horten a toujours été réglée par les procédures et les horaires à respecter. Mais bizarrement, c'est lors de sa dernière journée de travail, que celui-ci «déraille» et se trouve confronté à des situations auxquelles il n'est pas préparé. Qu'il soit «pris en otage» par un enfant en mal de marchand de sable, monté dans la voiture d'un monsieur qui préfère conduire les yeux bandés ou chaussé de bottines rouges à talons appartenant à une femme, Horten vit toutes sortes d'événements absurdes, burlesques et décalés qui fonctionnent comme les petits signaux d'une vie radicalement différente, à envisager avec de l'insouciance, voire de l'enchantement.

Réjouissant et optimiste, O Horten présente la retraite comme une nouvelle vie, où la liberté est à reconquérir, où les chemins de traverses sont à explorer. Dans cet espace et ce temps tout neufs qui s'offrent à lui, Horten découvre la légèreté de l'existence lorsqu'on est libéré des obligations et des contraintes. Il lie de nouvelles relations sociales, fait des choses qu'il n'a jamais faites auparavant et va même dépasser ses peurs pour réaliser son rêve (à moins que ce soit celui de sa mère...), incarnant ainsi l'idée qu'il n'est jamais trop tard...


 


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