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Une analyse réalisée par le centre culturel Les Grignoux
et consacrée au film
Osmosis Jones
un film de Peter et Bob Farrelly
USA, 2001, 1 h 38
avec Bill Murray


Dans le film Osmosis Jones, le « héros » manque aux règles les plus élémentaires de l'hygiène puis voit son corps transformé en terrain de lutte contre les maladies. Beau prétexte pour informer les enfants de 8 à 12 ans des conséquences de l'hygiène sur la santé. En partant de leur vécu, de leur culture, en soulignant aussi la notion de respect d'autrui.

1. Le film [1]

On ne prétendra pas qu'Osmosis Jones est une œuvre raffinée, ce serait même tout le contraire puisque son personnage principal, Frank (interprété par Bill Murray), est un individu manquant aux règles élémentaires de l'hygiène et du savoir-vivre. Il en sera d'ailleurs bien puni car ayant ramassé un œuf tombé par terre, un virus mortel pénètre dans son corps et y déclenche une fièvre carabinée... C'est là que le film bascule puisqu'il passe alors de la prise de vues réelles au cinéma d'animation : tout ce qui se passe à l'intérieur du corps de Frank est en effet montré sous la forme d'un dessin animé avec une foule de nouveaux personnages, le méchant virus Thrax mais aussi le globule blanc Jones qui, en tant que policier, est chargé de la sécurité intérieure. Le corps de Frank apparaît comme une gigantesque ville avec ses hiérarchies, ses différents corps sociaux, ses grands et ses petits métiers, ses luttes « intestines »...

2. À quels spectateurs est destiné le film?

Si le mauvais goût affiché et assumé par ce film risque de heurter la sensibilité de certains adultes, il déclenchera en revanche à coup sûr le rire des enfants entre neuf et douze ans environ.

3. Relation à la problématique santé

Le message que délivre le film Osmosis Jones est sans doute clair pour la majorité des spectateurs : Frank est un personnage (relativement) sympathique, mais son manque d'hygiène risque de mettre sa santé en danger. Ce film peut donc être l'occasion d'aborder avec les jeunes spectateurs, notamment en situation scolaire, la question de l'hygiène et plus largement de l'éducation à la santé.

4. Suggestion d'animation : un personnage malpropre ?

Aujourd'hui, « l'hygiène » n'a pas nécessairement bonne presse dans la mesure où elle a souvent confondu le souci légitime de la santé des individus avec des valeurs morales beaucoup plus relatives : l'hygiène corporelle a été rapidement confondue avec « l'hygiène mentale » et a été associée à des disciplines comportementales plus ou moins rigides (qui amenaient par exemple à confondre la propreté avec la mise en ordre domestique). Par ailleurs, nous sommes plus facilement conscients aujourd'hui que le « propre » et le « sale » n'ont sans doute pas de définition objective et dépendent largement des sociétés et des cultures qui les utilisent. Dans l'aire occidentale par exemple, l'on sait bien que les pays nordiques n'ont pas la même conception (que l'on peut qualifier de plus stricte) des lieux d'aisance que les pays du sud. Dans l'islam et le judaïsme, la notion de droite et gauche se superpose à celle de pureté et de souillure, ce qui a pour effet notamment d'interdire de mettre la main droite en contact avec les zones réputées « impures », en particulier le sexe et l'anus. D'un point de vue social, l'expérience montre également facilement que les conceptions de la propreté varient grandement selon les groupes et les individus. [2]

Dans un tel contexte, l'éducation à la santé ne peut plus se concevoir comme la simple prescription de normes ou de modèles de comportements, et elle doit tenir compte de la diversité des publics auxquels elle prétend s'adresser. Cela ne signifie pas que l'on doive renoncer à toute finalité éducative au nom d'un relativisme culturel mal compris (« chacun est libre de se conduire comme il veut »), mais que les valeurs défendues dans une telle perspective sont plus larges et doivent permettre aux individus d'opérer leurs choix de façon responsable.

L'on défendra donc ici des valeurs comme :

  • l'autonomie individuelle mais également le respect de soi-même et de sa santé;
  • le respect des autres et la solidarité
  • le souci de l'avenir (du sien propre mais aussi de celui des autres).

Ainsi par exemple, il ne s'agira pas d'interdire les pratiques à risque mais de faire prendre conscience aux individus de la portée de telles pratiques sur leur propre santé mais aussi sur celle d'autrui ou éventuellement sur la qualité de leurs relations avec autrui, chacun restant cependant libre de ses choix en matière de santé (dans le cadre bien sûr du respect des lois en vigueur).

L'animation proposée ici a pour but d'amener les jeunes participants à une première réflexion personnelle sur l'éducation à la santé, de leur permettre de clarifier leurs propres opinions sur la question et de tracer éventuellement des pistes pour une action future. Cette animation s'appuiera sur la situation mise en scène dans Osmosis Jones, en particulier sur le personnage de Frank sur lesquels les enfants seront invités à porter des jugements éventuellement négatifs : la dimension fictive du personnage devrait permettre d'éviter la stigmatisation d'individus ou de comportements réellement observés.

Hygiène et impact sur la santé : confronter les avis

Nous avons travaillé sur la base d'un questionnaire (en deux parties) permettant d'analyser les comportements des jeunes, leur ressenti et leurs réactions (voir encadré). On pourra soumettre aux jeunes participants ce questionnaire concernant différents comportements de Frank, avec pour chacun d'eux une échelle d'évaluation de son impact positif ou négatif sur sa santé ; la seconde partie de ce questionnaire permettra ensuite de recueillir les réactions personnelles de chaque participant à cet égard. L'intérêt de la première partie de ce questionnaire est notamment d'attirer l'attention des jeunes participants sur des comportements ou des états auxquels ils n'auraient peut-être pas fait attention mais qui peuvent avoir un effet sur la santé individuelle. La seconde partie demande aux participants de préciser quels sont les aspects de la santé qui leur paraissent les plus importants et ceux pour lesquels ils sont éventuellement prêts à faire des efforts en ce domaine.

Comme ce questionnaire demande des réactions personnelles aux participants, chacun y répondra de façon individuelle et anonyme. Après avoir répondu au questionnaire, les participants seront invités à confronter leurs réponses (en grand groupe ou en groupes restreints) en ce qui concerne essentiellement les comportements de Frank, et à justifier éventuellement leurs opinions. On évitera à ce moment d'aborder les réponses plus personnelles afin d'éviter la stigmatisation éventuelle de certaines attitudes ou de certains comportements.

Le rôle de l'enseignant ou de l'animateur lors de cette première discussion sera essentiellement de clarifier les arguments et les opinions des différents participants. On distinguera par exemple des comportements (de Frank) qui sont effectivement néfastes à la santé (par exemple le fait de fumer) et d'autres qui sont généralement considérés comme « malpropres » (comme renifler sa morve) mais qui n'ont sans doute aucun impact sur la santé individuelle; dans la même perspective, il faudra sans doute préciser que les « poignées d'amour » ne sont qu'un symptôme en soi inoffensif d'un mode d'alimentation (une nourriture trop riche) qui lui est plus problématique; semblablement, la bière est une boisson inoffensive pour autant qu'elle soit consommée « avec modération ».

Repérer centres d'intérêt et préoccupations

La deuxième partie du questionnaire (voir encadré) proposé dans cette animation demande aux participants des réactions plus personnelles concernant leurs conceptions de la santé et l'importance qu'ils y accordent. L'enseignant ou l'animateur pourra donc recueillir toutes ces réponses (qui, rappelons-le, auront été faites anonymement) et repérer ainsi les thèmes qui intéressent plus particulièrement les enfants ou les sujets qui éventuellement les préoccupent.

Il n'est donc pas possible de prévoir a priori ces réactions ni de suggérer des pistes d'animation sans tenir compte de la spécificité de ces réactions. Cette première animation devra donc s'inscrire dans un projet à plus long terme d'éducation à la santé qui dépasse le cadre de ce dossier et où il faudra peut-être faire appel à des spécialistes extérieurs. On tracera ici seulement quelques pistes pour des animations ultérieures.

Deux guides nous paraissent cependant essentiels dans une telle perspective. Il est important de partir des représentations et du vécu des enfants qui peuvent être très éloignés de ceux des adultes : l'alimentation par exemple n'est pas indépendante de la culture, du mode de vie, des habitudes familiales, de la religion de chacun... Il ne sert donc à rien de dispenser des conseils généraux qui risquent d'être contradictoires avec le contexte de vie de l'enfant. Il faut d'abord interroger les enfants sur ce qu'ils mangent, où et dans quelles conditions ils mangent, sur ce qu'ils aiment et ce qu'ils n'aiment pas, sur ce qu'ils pensent être bon pour la santé et ce qui ne le serait pas... On peut par exemple demander aux enfants de décrire leurs repas types ou encore de noter au cours d'une journée tout ce qu'ils ont mangé, à quels moments ils ont mangé et quelle « valeur » — du point de vue de la santé mais également du goût — ils attribuent aux différents aliments : c'est à partir de telles informations qu'il sera possible de repérer d'éventuels déséquilibres qui pourront d'ailleurs différer selon les enfants.

De la même façon, les questions d'hygiène seront facilement abordées à partir de questions sur le plaisir ou le déplaisir que l'on peut éprouver à se laver, à prendre une douche ou un bain chaud, à jouer dans l'eau, à se laver les mains, à se sentir propre ou au contraire sale : une telle discussion où se confrontent des avis divers sinon divergents devrait permettre notamment de mieux comprendre les résistances que peuvent manifester des enfants à des règles d'hygiène qu'ils connaissent souvent par ailleurs.

Elaborer des règles communes de comportement

Un second principe important est de ne pas se limiter à une séance d'information et d'amener les enfants à une véritable action. Ainsi, il est sans doute possible de mener une réflexion avec les enfants sur l'hygiène à l'école et de tracer avec eux des pistes pour améliorer ces conditions d'hygiène : il s'agit donc d'inciter les élèves à transformer leur cadre de vie, ce qui suppose non seulement que chacun réfléchisse à la question mais également que l'on prenne l'avis d'autres personnes dans l'école et que l'on s'informe sur ce qu'il est possible ou non d'y faire. L'avis des parents pourra également être sollicité. Une telle action suppose, on le voit, une responsabilisation des enfants qui seront invités non pas seulement à respecter des règles d'hygiène plus ou moins abstraites, définies par l'autorité, mais surtout à définir concrètement ce que ces règles recouvrent dans la classe ou l'école : la dimension sociale de ces règles, que chacun ne perçoit pas de la même manière, devra d'ailleurs nécessairement être prise en compte. Ce qui dégoûte les uns (des toilettes sales, des douches défectueuses, de la boue dans la cour, des détritus abandonnés n'importe où...) peut laisser les autres indifférents, et il faudra d'abord que les avis différents s'expriment, puis qu'on élabore éventuellement de nouvelles règles de comportement qui devront être acceptées par tous.

Dans la même perspective, une réflexion sur l'équilibre nutritionnel pourrait facilement déboucher sur un « atelier des goûts et des saveurs » : si la plupart des enfants sont spontanément portés vers les aliments sucrés, il faut sans doute procéder à une véritable éducation du goût, destinée à leur faire découvrir d'autres saveurs mais également à apprécier des différences plus fines que celles qu'ils perçoivent habituellement. Le sommet de cet art des saveurs est sans doute celui de l'œnologue qui perçoit des milliers de différences entre les vins, mais il est facile de faire découvrir aux enfants les multiples variétés de fromage, de pain, de pommes, de poires ou même de chocolat. Face à la standardisation de nos modes de consommation, un tel atelier entend valoriser la diversité des produits et des réalisations culinaires. Il sera également l'occasion pour les enfants de présenter les spécialités propres à leur famille, leur région, leur culture ou leur pays d'origine. Enfin, de telles séances devraient permettre d'exprimer leurs sensations et de développer le vocabulaire des cinq sens au-delà des simples jugements « j'aime » ou « je n'aime pas » (« miam » ou « beurk »).


[1] Le film est disponible en vidéo et DVD. Il est également possible d'organiser des séances par exemple en matinées scolaires avec des cinémas parternaires.

[2] Sur ces différents points, l'on se reportera notamment au dossier spécial « De l'hygiène à la santé » dans La Santé de l'homme, n° 349, septembre-octobre 2000.

Un questionnaire pour décrypter les comportements des enfants

Que penses-tu du comportement de Frank, le personnage principal d'Osmosis Jones ? Penses-tu qu'il prend bien soin de sa santé ou au contraire qu'il est négligeant ? Est-ce lui qui a raison de se comporter comme il le fait ou est-ce plutôt sa fille Shane ? Et toi, est-ce que tu agirais comme Frank ou est-ce qu'au contraire, tu ne voudrais jamais lui ressembler ? Voici une série de comportements de Frank ou de situations où il se trouve, sur lesquels tu peux donner ton avis.

  Est-ce mauvais pour la santé de Frank ? Est-ce que ça te gênerait de ressembler à Frank sur ce point ?
Frank se gratte le derrière en observant un singe dans sa cage
  • pas du tout mauvais
  • assez mauvais
  • très mauvais
  • pas du tout
  • un peu
  • beaucoup
Frank ramasse un œuf tombé dans la cage d'un singe et le mange
  • pas du tout mauvais
  • assez mauvais
  • très mauvais
  • pas du tout
  • un peu
  • beaucoup
Frank ne se brosse pas souvent les dents
  • pas du tout mauvais
  • assez mauvais
  • très mauvais
  • pas du tout
  • un peu
  • beaucoup
Frank ne met plus de déodorant (car sa fille Shane pense que c'est cancérigène)
  • pas du tout mauvais
  • assez mauvais
  • très mauvais
  • pas du tout
  • un peu
  • beaucoup
comme Frank n'a pas de mouchoir, il renifle la morve qui lui coule du nez
  • pas du tout mauvais
  • assez mauvais
  • très mauvais
  • pas du tout
  • un peu
  • beaucoup
Frank adore les cuisses de poulet... les sauces et le sel
  • pas du tout mauvais
  • assez mauvais
  • très mauvais
  • pas du tout
  • un peu
  • beaucoup
les « poignées d'amour » de Frank sont en pleine expansion
  • pas du tout mauvais
  • assez mauvais
  • très mauvais
  • pas du tout
  • un peu
  • beaucoup
Frank boit de la bière
  • pas du tout mauvais
  • assez mauvais
  • très mauvais
  • pas du tout
  • un peu
  • beaucoup
Frank fume
  • pas du tout mauvais
  • assez mauvais
  • très mauvais
  • pas du tout
  • un peu
  • beaucoup
Frank est veuf
  • pas du tout mauvais
  • assez mauvais
  • très mauvais
  • pas du tout
  • un peu
  • beaucoup
Frank ne fait pas de sport
  • pas du tout mauvais
  • assez mauvais
  • très mauvais
  • pas du tout
  • un peu
  • beaucoup
Frank manque de sommeil
  • pas du tout mauvais
  • assez mauvais
  • très mauvais
  • pas du tout
  • un peu
  • beaucoup
Frank a un ongle incarné
  • pas du tout mauvais
  • assez mauvais
  • très mauvais
  • pas du tout
  • un peu
  • beaucoup

À présent, en fonction notamment des réponses que tu viens de donner, peux-tu préciser ce qui te paraît pour toi le plus important pour préserver (ou améliorer) ta santé ?

...

 

Enfin, peux-tu dire dans quels domaines tu es prêt à faire des efforts pour rester en bonne santé ou améliorer ta santé :

  • manger de façon équilibrée
  • prendre soin de mon corps (me laver, me brosser les dents, soigner mes cheveux...)
  • vivre de façon équilibrée (dormir suffisamment, changer d'activités...)
  • faire du sport ou des activités physiques en dehors de l'école
  • respecter les règles d'hygiène (me laver les mains avant de manger, changer régulièrement de linge...)
  • me soigner régulièrement (visite chez le médecin, chez le dentiste...)
  • écouter les avis ou les conseils d'autres personnes (parents, camarades...) à ce sujet
  • autre chose : ...
On pourra compléter cette réflexion sur l'hygiène, notamment à l'école, avec l'article de Florence Perret "Hygiène à l'école : autour des sanitaires, le tabou" paru dans la revue La Santé de l'Homme, n° 370.

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