Pas facile d’être considérée pour soi-même par ses pairs quand on a pour parents deux icônes du cinéma mondial. Même quand on est une actrice reconnue et qu’on s’appelle Chiara Mastroianni. Surtout quand on s’appelle Chiara Mastroianni ! Quitte à être comparée à son père, autant prendre son apparence et se faire appeler Marcello ! Voici LE film à voir cet été : drôle, rafraichissant, touchant, culte !
C’est la septième fois que Christophe Honoré dirige Chiara Mastroianni. Une collaboration de longue durée qui a engendré une intimité indispensable entre le réalisateur et la comédienne pour réussir cet exercice de style absolument incroyable. Car, pour parvenir à cette mise en abîme sans se prendre les pieds dans le tapis, il fallait qu’il y ait cette véritable complicité. Dans ce film, chacun joue son propre rôle…. Ou presque. Depuis des années on dit à Chiara qu’elle ressemble tellement fort à son père, avec un peu de Deneuve certes, mais, vraiment, quand on la regarde, on voit Marcello ! Alors Chiara pète les plombs et décide, le temps d’un été de se transformer en Marcello. Perruque, costume, cigarette au coin de la bouche… Elle demande désormais à se faire appeler Marcello et, de Paris à Rome, s’en va musarder sur les lieux qui ont marqué la vie du grand Mastroianni. Autour d’elle, sa famille et ses amis sont bien contraints de l’accompagner dans sa fantaisie.
Ne nous méprenons pas : nous sommes dans une fiction. Mais une fiction où chaque personnage joue son propre rôle. Et c’est bien entendu là que cela devient jubilatoire. Parce qu’on ne sait jamais vraiment où est la limite entre ce qui appartient à la vraie vie et ce qui est écrit dans le scénario. Les joutes verbales entre Chiara et sa mère sont-elles toujours aussi acides ? Nicole Garcia est-elle aussi insupportable sur un tournage ? Et puis il y a Fabrice Luchini ! Le comédien nous offre une prestation absolument mémorable, sans le cabotinage dont il est coutumier. Ici, il est Luchini tout simplement. Il nous sert de vrais moments d’anthologie.
Christophe Honoré est un très grand directeur d’acteurs. Il amène toute cette petite bande dans des recoins scénaristiques inattendus, sur les traces de l’immense acteur italien. Au passage, il n’hésite pas à écorner un peu le mythe (Deneuve se charge de remettre les pendules à l’heure), nous fait beaucoup rire dans une foule de saynètes pittoresques et nous émeut aussi profondément. Car sous ses dehors de comédie, le film parle du deuil, du manque généré par l’absence des êtres aimés, et bien sûr, de cinéma. De Paris à Rome, Marcello Mio est truffé de références au 7e art. Certains grincheux penseront sans doute que le film d’Honoré est nombriliste et ne parle que de l’entre-soi du cinéma français bourgeois. Aux Grignoux, on s’est immergé avec délice dans cette promenade estivale pleine de poésie et d’autodérision qui fait un pied de nez aux conventions ! Et puis, c’est pas tous les jours qu’on voit Catherine Deneuve porter des Birkenstock !
LAURENCE HOTTART, les Grignoux