Librement inspiré d’un célèbre fait divers, cette comédie noire parodie les codes du film d’enquête et réussit une farce macabre, atypique, sur notre relation ambiguë à la violence et aux fantasmes
Léa et Christine sont obsédées par l'affaire Paul Bernardin, un homme soupçonné d’avoir tué toute sa famille et disparu mystérieusement. Alors qu'elles partent enquêter dans la maison où a eu lieu la tuerie, les médias annoncent que Paul Bernardin vient d'être arrêté dans le Nord de l’Europe…
Metteur en scène français, fondateur du collectif de théâtral Les Chiens de Navarre, Jean-Christophe Meurisse signe un troisième film (clôture de la Quinzaine des Cinéastes à Cannes, en mai dernier) qui le distingue de la production courante française, par cet alliage d’humour et de violence qui n’arrondit jamais les angles.
Il s'est inspiré de l’histoire de Guy Joao qui fut arrêté à Glasgow en 2019 après avoir été pris pour Xavier Dupont de Ligonnès, l’homme le plus recherché de France, suspecté d’avoir tué sa femme et ses quatre enfants en 2011. Il se sert de cette réalité, terriblement tragique, pour construire une farce absurde et politiquement incorrecte. L’enquête, menée par les deux improbables héroïnes, est un prétexte pour accumuler des séquences drôles et trash qui pourraient presque se suffire à elles-mêmes et faire le buzz sur le net, s’il n’y avait pas derrière un cinéaste qui s’appuie sur une démarche artistique réfléchie et une écriture maîtrisée.
Ces séquences marquent les esprits en accueillant une galerie de personnages, dont des têtes connues du cinéma français (Jonathan Coen, Vincent Dedienne, et Norah Hamzawi), au ton barré et au goût certain (et très ambigu) pour les faits divers macabres. Ce télescopage de burlesque et de férocité nous ramène, par moment, un peu sur terre. Les pistolets en plastique évoque, entre les lignes, ce besoin de fantasmer, de vivre des sensations fortes pour faire le deuil de la banalité du quotidien (ce que représentent les deux enquêtrices amatrices). Sans avoir l’air d’y toucher, ces séquences d’humour noir, cet esprit punk anar jubilatoire forment donc les pièces d’une histoire et d’un propos qui font miraculeusement sens.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux