Prix spécial du jury à la Mostra de Venise 2023
Prix spécial du jury à la dernière Mostra de Venise, le film d’Agnieszka Holland, qui a suscité l’ire de l’extrême droite alors au pouvoir à sa sortie en Pologne, est un vibrant plaidoyer pour la défense des droits humains des personnes migrantes. D’une force implacable et d’une beauté renversante !
« Green border », « frontière verte » en français, fait ici référence à cette zone frontalière située en pleine forêt entre la Pologne et la Biélorussie. En suivant l’itinéraire d’une famille syrienne ayant fui son pays pour rejoindre l’Europe, la cinéaste de 74 ans nous confronte à la réalité de ce territoire circonscrit par un mur de fils barbelés, interdit à la population locale et surveillé par des gardes-frontières polonais et biélorusses qui n’ont de cesse de traquer les réfugiés et de se les renvoyer comme s’il s’agissait d’un colis non désiré. La première partie du film, focalisée sur l’expérience des migrants, documente avec force la violence avec laquelle ceux-ci sont traités. Mais ce qui distingue Green Border d’autres productions sur le sujet est de basculer ensuite son attention sur d’autres personnages, multipliant ainsi les points de vue pour mieux rendre compte d’une situation aux ramifications complexes, et où se logent encore, fort heureusement, des lueurs d’espoir. Nous suivrons aussi les gardes-frontières endoctrinés par une propagande raciste et haineuse, ainsi que, parallèlement, des militants prenant des risques pour apporter secours aux migrants. Mais le personnage auquel le public pourra certainement le plus s’identifier est celui de Julia, psychologue quadragénaire opposée intellectuellement aux politiques migratoires du gouvernement polonais sans pour autant s’être investie dans une lutte pour les contester. Une fois en présence de la détresse humaine, celle-ci ne pourra plus détourner le regard, réalisant l’urgence de prendre position dans une lutte qui, in fine, menace la dignité de toutes et tous.
L’accueil du film en Pologne, conspué par les dirigeants d’extrême droite — qui, dans un renversement de paradigme assez hallucinant, l’ont accusé de propagande nazie — et qui a valu à la réalisatrice des menaces de mort, en dit long sur l’état de nos démocraties. Heureusement, le public était présent dans les salles polonaises et l’extrême droite n’est plus au pouvoir depuis, révélant ainsi, comme le fait le film, que tout n’est pas perdu !
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux