En racontant l’histoire vraie de Franz Jägerstätter, un paysan autrichien qui refusa de prêter serment à Hitler, Terrence Malick sublime son geste cinématographique et propose un film poétique et spirituel
Depuis sa Palme d’or en 2011 avec Tree of life, Terrence Malick est devenu anormalement productif avec pas moins de cinq films en huit ans, soit un nombre équivalent à ce qu’il avait réalisé dans sa première partie de carrière mais… sur quatre décennies ! A hidden life remet le cinéaste dans son axe de prédilection, le drame historique enchâssé dans une vaste célébration du paysage et de la nature. 1939. Dans la ferme des Jägerstätter, il y a de la joie, de l’amour, des mômes qui gambadent. Le pain quotidien des paysans se gagne à la sueur de leur front. Cela n’empêche en rien le bonheur. Il flotte dans l’air comme une odeur de foin coupé, de moissons heureuses. Si Franz (August Diehl, au jeu puissant) semble taillé dans un roc, il n’en oublie pas pour autant d’être tendre avec sa marmaille, toujours présent pour sa compagne Franzisca. Dans ce pittoresque village de St-Radegund, serti dans un écrin de sommets enneigés, l’homme, à n’en pas douter, est apprécié. Mais cela pèsera bien peu dans la balance, quand la bête immonde montrera son nez. 1939, on l’a dit… La guerre gronde et si elle paraît encore lointaine pour ces cultivateurs, le Troisième Reich ne les oublie pas… Si tous ne seront pas mobilisés, tous doivent néanmoins prêter allégeance à Adolf Hitler. Que faire d’autre ? Le bras armé nazi est trop puissant pour espérer s’y opposer. Franz voit bien tout cela. Il n’est pas plus inconscient ni téméraire qu’un autre. Pourtant, il refusera de ployer, d’aller contre ses fondements, sa foi. Rien ni personne ne pourra l’obliger à servir « l’idéologie satanique et païenne du nazisme ». Le voilà seul contre tous, citoyen d’une minorité invisible, banni par un peuple sans lieu et sans repère…
A hidden life se réfère à la vie de tous ces héros inconnus, oubliés de la grande histoire, pourtant indispensables. Fresque lumineuse et méticuleuse, elle passe au peigne fin les mécanismes qui font basculer une démocratie dans la dictature. Un opus renversant, qui bouscule nos sens en même temps que les idées reçues. Aucune des institutions, magistralement incarnées par une forte galerie de protagonistes secondaires, ne sera épargnée : ni l’armée, ni la justice, ni l’église… même si la spiritualité reste une des figures tutélaires de ce film touché par la grâce.