Prix du public au Festival international du Film de Toronto
Pour déconstruire les discours haineux, il existe aussi le genre « risqué » de la satire. En voilà une au culot fou, qui a remporté le très convoité Prix du public au festival de Toronto. Jojo, jeune allemand de 10 ans dans les années 1930, a un ami imaginaire du nom d’Adolf Hitler…
Ce Jojo Rabbit est une comédie familiale colorée, enjouée, qui est aussi un cri de rage contre la cruauté de la guerre et la manière dont les adultes imposent leurs dogmes grotesques aux enfants naïfs. Naviguant entre la fantaisie et la tristesse, le bonheur et l’horreur, c’est un film dont l’existence même a de quoi réjouir. Une comédie ? Avec des enfants ? Sur l’antisémitisme ? Et Hitler ? On n’en verra pas deux comme Jojo Rabbit, ça, c’est sûr.
Johannes Betzler, élevé dans une petite ville allemande, a été nourri de propagande nazie depuis son jeune âge. Hitler est devenu son ami imaginaire, son confident, celui qui lui redonne confiance quand il doute, le remet d’attaque quand, au camp des jeunesses hitlériennes, il subit quolibets et humiliations. Car Johannes, timide et faiblichon, s’il rêve de devenir un guerrier aryen, ne se fait pas moins harceler par ses coreligionnaires. Il suit pourtant les préceptes du Capitaine Klenzendorf qui prend un malin plaisir à leur enseigner l’art de l’autodafé, du lancer de grenade ou du meurtre gratuit. Quand il revient vivre avec sa mère (interprétée par Scarlett Johansson), elle ne semble pas aussi endoctrinée que lui et l’on voit bien qu’elle compose plus avec le régime qu’elle ne l’embrasse. Les choses vont encore se compliquer quand Jojo, flanqué de son Adolf qui ne cesse de débiter ses salades, découvre que celle-ci cache une jeune fille juive chez eux…
C’est une farce, une sombre farce si l’on veut, qui joue la carte du déjanté. Une farce où l’on se permet tout, où les nazis sont des bouffons et les enfants des nazillons en puissance. Ça faisait bien longtemps qu’on n’avait plus vu satire à l’humour si audacieux, et même un peu frimeur ! Mais derrière le côté sale garnement qui fait penser à du Sacha Baron Cohen, il y a un univers qui ressemble furieusement à Wes Anderson, façon Grand Budapest hotel, et Jojo Rabbit a ce mérite, non pas seulement de rire de « tout », mais de montrer par l’absurde le non-sens des idéologies totalitaires, et de lier la terreur réelle que peuvent inspirer les tyrans au ridicule qu’ils ne manquent pas non plus de susciter.
LES GRIGNOUX