Sous ses dehors de songe contemplatif, Ghost tropic est un très beau film sur l’ouverture aux autres, ainsi qu’une déambulation poignante dans un Bruxelles divers, où la beauté surgit des rencontres, où la nuit devient vecteur d’espoir
Voici un film court qui n’oublie pas de prendre son temps. Celui de nous montrer d’abord, dans un beau plan fixe inaugural, le salon de Khadija, notre héroïne ; celui ensuite de nous révéler un Bruxelles nocturne magnifié par le regard ouvert et bienveillant de Khadija. Cette dernière est une aide-ménagère d’origine maghrébine, d’une cinquantaine d’années, d’abord énigmatique, si percluse de fatigue dans le métro bruxellois qu’elle en rate son arrêt et se retrouve au bout de la ligne, en pleine nuit, à l’heure où les rues ne voient plus que de rares passants, à l’heure où chaque personne qui habite la ville peut sembler suspecte. Mais Khadija, contre mauvaise fortune, fait montre de son grand cœur, de sa confiance tranquille, jamais apeurée alors que, démunie de prime abord (elle n’a pas assez d’argent pour prendre un taxi), elle doit entreprendre une longue marche à travers notre capitale. Il n’y a pas besoin d’explications, pas besoin de grandes tensions. Khadija, petite femme voilée qu’on penserait fragile, est notre guide, notre lumière, et ce qui se dégage d’elle ressemble furieusement à un espoir de vivre-ensemble.
Que l’on aimerait en voir plus de ces modestes héroïnes qu’on apprend à mieux connaître, qui font tomber les œillères, de ces femmes qui nous bouleversent d’une simple attitude ! Khadija est notre voisine, notre mère, notre sœur, notre double, si nous nous ouvrons à l’Autre. On dit que nous vivons à une époque où les vérités sont multiples. Ce que je vois et entends n’est pas nécessairement vu ou entendu par mon voisin. Cette pensée peut faire partie de la base de la méfiance avec laquelle nous abordons l’autre. Dans Ghost tropic, j’ai essayé de voir au-delà de cette méfiance. Khadija se déplace à travers la ville nocturne avec le regard ouvert et se laisse aller à la rencontre des gens la nuit, sur son chemin du retour. Sa chaleur et sa confiance font d’elle une héroïne qui résiste à l’idée que nous sommes seuls. BAS DEVOS
CATHERINE LEMAIRE, LES GRIGNOUX