Victimes, anciens collaborateurs et journalistes se relaient pour raconter la puissance et la gloire, la honte et la chute du producteur-prédateur Harvey Weinstein. Un scandale qui a changé la donne, au moins en termes de libération de la parole
La forme est classique : du face caméra qui ne cille pas et un montage alterné efficace entre plusieurs types de récits.
Le premier, le plus évident, le plus nécessaire, est celui des victimes. Elles narrent toutes un même modus operandi, un même sentiment de terreur et de sidération face à un homme grand, imposant, puissant, avec lequel elles se retrouvent seules et qui use de son autorité morale pour tenter d’arriver à ses fins. Quand on lui résiste, il tonne un énervé « mais vous savez qui je suis ! », sûr de son pouvoir, sûr aussi de son impunité.
C’est documenté, précis. Les différentes femmes interviewées expliquent les apparents paradoxes, les sentiments mêlés, les résignations ou les sursauts « de survie ». À tous ceux qui se disent parfois trop simplement qu’à leur place, ils auraient agi différemment, ces témoignages remettent bien des pendules à l’heure.
Ensuite, il y a les témoignages de collègues de travail. L’ambiance, l’excitation de faire partie de Miramax, mais aussi les humiliations faciles, la personnalité difficile du magnat. Car pour comprendre comment il est devenu intouchable, il faut aussi se pencher sur ses ambitions, ses coups de génie de distributeur et de producteur, sa façon de s’être rendu indispensable à tout un cinéma indépendant.
Enfin, un autre volet, plus succinct, est consacré au journalisme indépendant à travers le récit de Ronan Farrow, auteur de l’article qui a provoqué la disgrâce et la levée de l’impunité de Weinstein. Il y est question des obstacles mis sur les chemins des journalistes qui osent contester le discours trop bien réglé de Weinstein. L’accent est également mis sur la « fabrication » de l’information, c’est-à-dire le fastidieux mais ô combien nécessaire travail de recoupement des témoignages, de recherche de preuves et de journaux prêts à publier ce genre de bombe…
Les trois aspects traités ici avec le plus grand des respects et le portrait en creux d’un phénomène bien trop courant qui a résonné mondialement par sa place privilégiée dans l’industrie du cinéma font de ce film un indispensable document.
LES GRIGNOUX