Un Tarantino comme on les aime, mélange d’hommage à l’histoire du cinéma, de révisionnisme historique, de digressions jubilatoires et de (très sporadiques) éclats de violence expressionniste. Une réjouissance à la hauteur de nos attentes, le tout sous les bons auspices de Leo et Brad
Tarantino a demandé à ce qu’on en dise le moins possible sur son intrigue, et à ceux qui iront de toute manière le voir, on ne peut que leur suggérer de passer leur chemin. Pour les autres et sans spoiler, voici la mise en contexte dans laquelle le film s’insère. Promis, juré, sur les 2 h 45 que dure le film, on ne vous parle que du premier quart d’heure !
Rick Dalton (DiCaprio) est au faîte de sa gloire, mais peut-être aussi déjà un peu sur le retour. Il incarne, dans des westerns tournés plus vite que leur ombre, des méchants qu’on adore détester. Tarantino ne résiste heureusement pas à nous montrer plusieurs extraits de ces westerns en préfabriqué, dans la plus pure veine de l’époque, sa cinéphilie gourmande l’y obligeant (pour notre grand plaisir, évidemment) ! Rick est toujours flanqué de sa doublure tout-terrain, Cliff (Pitt), grande gueule nonchalante qui lui sert aussi d’homme à tout faire (chauffeur ou réparateur d’antennes de télévision). Certaines rumeurs bruissant bon train sur les plateaux en font aussi un homme, disons, potentiellement imprévisible. Rick doute de l’avenir de sa carrière, et son entrevue avec un certain Monsieur Schwartz (Al Pacino) n’arrange rien. Celui-ci soutient que jouer sans cesse les méchants peut avoir des effets psychologiques et miner aussi sa carrière en la réduisant à un profil type. Il lui conseille de partir dès que possible pour Rome et d’y redorer son image en tournant dans deux trois westerns-spaghettis des rôles de justicier vengeur. Mais pour Rick, pas question de quitter cet Hollywood de l’année 1969 dans lequel il vient par ailleurs d’acheter une villa somptueuse où il traîne certains soirs sa solitude en sirotant de nombreux cocktails. Il n’a pas encore croisé son voisin, un réalisateur dont il admire le travail, même s’il a déjà entraperçu sa femme, l’actrice Sharon Tate (Margot Robbie), enceinte jusqu’au cou. Quant à Cliff, il déambule dans un Hollywood lascif où des grappes de hippies squattent les bancs et les trottoirs, et où de très jeunes filles lui lancent souvent des regards aguicheurs. L’heure semble à la légèreté des mœurs et à une certaine insouciance. Mais qui sait, 1969, à Hollywood, ne sera peut-être pas de tout repos…
Tarantino nous livre un récit aux multiples couches, prend le temps de vagabonder en chemin sans jamais se perdre, soigne la reconstitution avec une maniaquerie géniale et nous promène, spectateurs buvant du petit lait, dans son univers où chaque référence est un resurgissement délicieux de pans entiers d’époques et de cinéma. Un régal total !
CATHERINE LEMAIRE, LES GRIGNOUX