Après Victoria, délicieuse comédie où Virginie Efira interprétait une héroïne surmenée, Justine Triet signe Sibyl, superbe portrait de femme blessée où l’on retrouve son actrice fétiche, encore une fois remarquable ! En compétition au Festival de Cannes 2019
Sibyl a la petite quarantaine, deux enfants, un compagnon aimant et une sœur légèrement envahissante. Mais ce n’est pas par ce biais que nous apprenons à la connaître. Son personnage se dessine petit à petit, à coups de courtes scènes qui viennent parsemer le film et nous amènent à associer chaque brin d’information pour finalement la comprendre.
Qui est donc Sibyl ?
C’est une psychanalyste qui a décidé de se remettre à écrire. Autrefois talentueuse, elle avait choisi de se consacrer à son métier de psy, mais veut aujourd’hui retrouver l’ivresse de l’écriture. Elle doit se défaire – parfois difficilement – de la plupart de ses patients et n’en accepte plus aucun. Pourtant, lorsque Margot (Adèle Exarchopoulos), une jeune actrice en détresse, pénètre dans son cabinet, c’est toute son éthique de travail qui va se trouver chamboulée. Margot est une jeune femme magnétique, accaparante. Elle arrive et pleure des litres de larmes, elle est au bout du rouleau et a absolument besoin de conseils, absolument besoin de Sibyl.
Margot est enceinte d’un acteur connu avec qui elle partage l’affiche d’un film en train de se tourner… Mais cet acteur est officiellement en couple avec la réalisatrice dudit film. Une situation pour le moins délicate que seules la vie et les passions confuses qu’elle sème dans nos existences peuvent engendrer.
Et Sibyl, malgré son professionnalisme, va peu à peu être complètement fascinée par Margot, son histoire, qui pourrait, qui sait, nourrir l’inspiration du roman qu’elle peine à écrire…
Justine Triet nous avait déjà séduits avec Victoria, autre portrait de femme en crise, où Virginie Efira interprétait ce personnage jonglant entre différents aspects de sa vie. Sibyl est un portrait plus sombre, mais aussi plus complexe. Au fur et à mesure que l’intrigue avance, que nous nous trouvons happés par le récit de Margot, c’est en fait le personnage de Sibyl que nous découvrons… Une femme qui a ses failles, son histoire, ses relations, ses émotions. Bref, une femme qui n’a pas qu’une seule facette. Et c’est dans cet enchevêtrement d’indices, à travers ces fragments de personnalité éclatés, ce kaléidoscope au féminin, que nous parvenons in fine à percevoir la beauté de son personnage. Virginie Efira – décidément l’une des meilleures actrices de sa génération – l’interprète avec une sincérité bouleversante, aussi sombre que lumineuse.
Quant à Justine Triet, elle confirme sa place incontournable dans le cinéma français, triturant les genres (de la comédie au drame psychologique) et les conventions d’écriture (récit éclaté, nombreux personnages) pour nous convaincre que les films, eux aussi, peuvent trouver leur identité dans la diversité.
ALICIA DEL PUPPO, LES GRIGNOUX