L’histoire d’un musicien de jazz tiraillé entre son art, ses petites amies et son imprésario dans le Brooklyn de la fin des années 1960
Trompettiste professionnel, Bleek Gilliam (Denzel Washington) est à la tête d’un ensemble portant son nom : The Bleek Gilliam Quartet. Sa vie sentimentale se partage entre Clarke, jalouse du primat qu’il confère à sa musique quoique dans le même temps désireuse qu’il reconnaisse ses talents (avérés) de chanteuse, et Indigo, peu dupe de son infidélité, de moins en moins patiente avec son incapacité à se fixer conjugalement. Financièrement, les choses prennent un tour plus délicat quand son manager Giant (Spike Lee), ami d’enfance, ne cesse de lui demander des emprunts pour résorber ses dettes au jeu, tandis que « son » saxophoniste, Shadow (Wesley Snipes), lui volant la vedette par des solos, exige une augmentation de son cachet laissant augurer d’une sécession au sein du groupe.
Profitant de la renommée acquise avec Do the right thing, de l’image de cool urbain alors associée à son nom, Spike Lee s’engage dans un hommage au jazz, non pas sur un versant passéiste, mais en tant que forme musicale vivante à la fin du xxe siècle. Si le film est le vibrant éloge d’un genre à la présence insuffisante au cinéma, le personnage qui le porte est néanmoins un être faillible, souvent lâche, pris dans des contradictions que des coups durs lui apprendront à résoudre un peu plus honnêtement. Outre des standards fameux (Footprints de Wayne Shorter, Lonely woman d’Ornette Coleman), le récit s’articule autour de la figure tutélaire de John Coltrane, dont le Love supreme (son affiche sert de décoration à l’appartement de Bleek) fait office de motif thématique. La capacité à aimer du protagoniste se trouve bel et bien mise à l’épreuve, pris qu’il est dans une spirale de coucheries alternées, de rivalités mettant à mal ses amitiés. Véritable festival pour les aficionados du label Blue Note Records, Mo’ better blues rend justice à un héritage musical en pleine santé artistique mais, c’est cyclique dans son histoire, en prise à des difficultés commerciales. Restituer l’atmosphère de clubs réputés qui lui sont dévoués offre un plaisir particulier à ceux pour qui l’écoute du jazz relève ordinairement d’une pratique solitaire.