Comédie généreuse et désinhibée autour de Béatrice, mère et amie dévouée qui se coltine depuis cinq ans un mari accidenté devenu aveugle, sans gêne et un peu benêt. Alexandra Lamy et José Garcia forment un duo comique et émouvant
Béatrice est reçue dans une maison d’édition, là où elle avait envoyé, sait-on jamais, un manuscrit. Oh, pas un grand roman qui bouleverse la langue française avec ses formules percutantes, ni même un grand sujet vu sous un prisme inédit. Simplement, l’histoire de sa vie, ces cinq dernières années. Ce livre-témoignage va être publié et ses amis viendront à la présentation, dans le Sud de la France, là où, depuis des années, ils ont l'habitude de se retrouver. Puis ils liront, avidement ou pas, l’autofiction, grattant facilement sous les pseudos pour y déchiffrer quelques traits de caractère, et s’offusquer ou admirer la manière dont leur amie les dépeint.
Mais ce livre, que raconte-t-il, en définitive ? Béatrice n'y règle ses comptes avec personne et les blessures d’ego de certains de ses amis semblent tout à fait déplacées. Elle est la bonté incarnée et se dévoue à sa famille, mise à rude épreuve depuis cinq années et l'accident de moto qui a rendu Frédéric, son mari, aveugle et… sans filtres. Elle se retrouve alors, du jour au lendemain, avec un adulte puéril décérébré, sans inhibition sociale, capable de balancer des vérités confidentielles à la ronde ou de piquer une glace à un enfant s’il a faim. Et comme sa mémoire à court terme est atteinte, il a tout le temps faim… Et Béatrice d’assumer son rôle de pivot familial, avec dévouement. Elle ne peut pas lâcher ce grand dadais de mari, mais elle ne peut plus le voir comme un partenaire, ni comme un amant.
Sur papier, ça peut faire un peu peur. Mais ce Chamboultout, sous ses aspects de comédie légère, n’a rien de graveleux, ni même d’embarrassant. Bien sûr, le vernis comique enrobe les questions sérieuses et on peut compter sur la bande d’amis, qui se vannent à tout-va, pour ajouter son zeste de mauvaise foi et rendre des situations anodines pour le moins cocasses. Mais le film d’Éric Lavaine (réalisateur de Retour chez ma mère, déjà avec Alexandra Lamy) parvient aussi à nous toucher, avec le portrait de cette femme courage dont l’enthousiasme s’émousse parfois sous les coups du sort, et de cet homme diminué qui, à de brefs instants, n’est pas dupe de son état.
LES GRIGNOUX