Entre moiteur et poussière, Arthur Penn capte toutes les contradictions de l’Amérique. Éblouissant et toujours d’actualité
L’ambiance est moite et tendue, comme dans un bon vieux Tennessee Williams. Et comme dans L’homme à la peau de serpent, Marlon Brando impose sa carrure et sa félinité. Il est, dans le film d’Arthur Penn, le shérif incorruptible d’une petite ville texane. L’action se déroule en 1965, mais on est en plein western classique, dans la lignée du Train sifflera trois fois, où le shérif doit agir seul contre tous. Ce qui met le feu aux poudres en ce samedi soir alcoolisé ? L’annonce de l’évasion d’un enfant du pays, Bubber, le beau Redford, qui cristallise les haines et les envies parce que trop libre et rebelle.
L’esprit des années 1960 commence à peine à souffler sur la ville et les tensions sexuelles sont aussi palpables que le racisme, la bêtise et la soif de sang. Arthur Penn se délecte du portrait qu’il brosse de ce bout d’Amérique perdu avec ses Texans lâches ou agressifs, parfois les deux à la fois. Ce beau film tragique et très noir annonce en fanfare deux autres chefs-d’œuvre d’Arthur Penn, empreints aussi de bruit et de fureur : Bonnie and Clyde et le western Little Big Man. Le nouvel Hollywood est en marche.