Huit ans après My Little Princess, récit de son enfance hors du commun sous la houlette d’une mère manipulatrice, Eva Ionesco revient sur ses souvenirs d’adolescence… Ceux d’une jeunesse marginale immergée dans la flamboyance des années 1980
Rose (Galetea Bellugi, vue dans Keeper et L’apparition) a 17 ans et s’apprête à quitter l’internat pour jeunes filles où elle a été placée par la DASS. C’est Michel, son amoureux transi de 22 ans, artiste peintre sans le sou, qui vient la délivrer de cette prison maudite. Rose étant mineure, Michel devient son tuteur et doit veiller à ce qu’elle fréquente bien l’école de pâtisserie où elle est inscrite, sous peine d’avoir affaire à la police. Mais ces deux-là n’ont que faire des viennoiseries, ils n’ont qu’une intention : retrouver leurs amis, d’autres artistes fauchés, et enchaîner les soirées parisiennes, notamment au Palace, haut lieu underground des années 1980.
Le Palace, ce sont des nuits surréalistes où toutes les extravagances sont permises et dûment recherchées. On y parle de mode, on y croise des célébrités, on y boit du champagne et on se donne en spectacle dans la pure tradition du Music-Hall.
C’est dans cette ambiance folle et pailletée qu’ils rencontrent Lucille (Isabelle Huppert) et Hubert (Melvil Poupaud), un couple de quinqua fortuné et fantasque, prêts à prendre sous son aile cette jeunesse maudite en lui distribuant argents, drogues et alcool, pour peu qu’ils puissent en retour puiser en elle fougue et vitalité.
Une drôle de relation, improbable, fondée sur une fascination commune, naîtra entre ces deux couples d’âges différents : Michel et Rose y voyant l’opportunité de connaître enfin le succès ; Lucille et Hubert profitant simplement de cette compagnie juvénile et talentueuse.
Le bonheur du film est de nous immerger totalement dans l’atmosphère enfiévrée et décadente des années 1980, et plus spécifiquement celles des années « Palace » : les costumes plus déjantés les uns que les autres, les coiffures, la musique, les expressions verbales typiques de ce milieu branché, tout est superbement reconstitué. Huppert et Poupaud sont on ne peut plus en osmose avec ce couple d’intellos oisifs et libertaires, papillons de nuit à l’affut d’un élixir de jouvence, qu’ils interprètent avec la juste exagération qui sied à leurs personnages.
Un jeu théâtral et affecté qu’on retrouve chez tous les protagonistes, fidèle à ce petit milieu toujours en représentation pour qui Paris était une fête, la vie une mise en scène, et le futur, une entité vague que l’on pouvait sans cesse reporter.
ALICIA DEL PUPPO, LES GRIGNOUX