Mike Leigh, cinéaste qui a bien souvent raconté les tourments de la classe ouvrière anglaise, signe aujourd’hui un drame historique percutant sur le Massacre de Peterloo. En compétition au festival de Venise 2018
Non content du programme scolaire anglais qui n’étudiait pas assez ce funeste massacre, pourtant considéré comme l’un des événements les plus marquants de l’histoire du Royaume-Uni, Mike Leigh a décidé de le porter lui-même à l’écran dans un film que l’on pourrait situer entre Selma d’Ava DuVernay, pour son évocation d’un combat pacifiste, porté par des milliers de citoyens, mais réprimé dans le sang par les autorités, et Le jeune Karl Marx de Raoul Peck, pour son côté rhétorique, sa volonté d’énoncer de manière détaillée le climat social, les mécanismes en jeu qui ont fini par mener au drame final.
Le contexte est celui de l’Angleterre du début du XIXe siècle. Suite aux guerres napoléoniennes le pays est rentré dans une période de grande dépression économique entraînant famine et chômage. Le peuple, toujours plus appauvri et plus affamé, mais jamais bien représenté au Parlement, réclame une politique plus démocratique.
Le réalisateur crée une fresque populaire très dense où aucune ligne narrative, aucun personnage ne prédominent sur l’ensemble, la foule demeurant le personnage principal du film. On y croise le célèbre orateur Henry Hunt, venu de Londres à Manchester pour porter la voix du peuple au gouvernement ; des travailleurs usés et opiniâtres comme la famille de Nellie, dont le fils, Joseph, est récemment revenu du champ de bataille de Waterloo ; les politiciens de l’autre camp cherchant à défendre leurs privilèges en contrecarrant ce qu’ils voient arriver comme une réplique de la Révolution française…
Peterloo est un film où l’on parle énormément, où les mots, ceux qu’on échange à l’intérieur des parloirs ou dans les maisons, incarnent avec majesté l’agitation politique qui secoue la société.
Surtout, le film est porté par l’urgence palpable que cette histoire, dont nous allons bientôt célébrer le bicentenaire, se devait d’être racontée maintenant !
LES GRIGNOUX