Avec Les confins du monde, Guillaume Nicloux réussit un beau film de guerre extérieure et intérieure, porté par les excellents Gaspard Ulliel et Guillaume Gouix
Un peu à l’instar de Clément Cogitore avec Ni le ciel ni la terre, Guillaume Nicloux s’essaye ici à un genre qui réussit plus souvent au cinéma américain que français : le film de guerre. On voit d’ailleurs très bien dans Les confins du monde les référents qui ont peut-être hanté le cinéaste, de La prisonnière du désert (Ford) à Apocalypse Now (Coppola) en passant évidemment par Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad. En pleine guerre d’Indochine, suite à un massacre dont il est le seul survivant et où a péri son frère, le soldat Tassen n’a plus qu’une idée, se venger. Au cours de son périple à travers la jungle et les villages à la recherche des bourreaux, il rencontre une belle indochinoise qui va changer son regard sur ce pays, sur la guerre, sur le monde, sur les priorités de sa vie.
La guerre comme révélateur humain, c’est bien sûr une quasi-constante des films de guerre, mais l’intérêt de ce film, c’est la concomitance de ce thème avec celui de la quête du cinéaste. Si Nicloux n’a évidemment pas vécu le conflit indochinois, on ressent bien le parallélisme entre la quête existentielle de son personnage et sa propre recherche artistique, entre l’aventure de la guerre et l’aventure de ce tournage (toutes proportions gardées, cela va sans dire). Comme Tassen, Nicloux est déplacé, déphasé, déterritorialisé, déraciné de son milieu habituel et cela se sent dans sa mise en scène, attentive aux lieux, aux gens, aux décors naturels, à la chaleur, à l’humidité, à la lumière de ces confins. On pourrait presque sentir à travers son filmage les parfums, la sueur, le sang.
Les confins du monde est un film puissamment physique, sensualiste, climatologique : on le doit à la nature, bien sûr, mais aussi aux acteurs, vraiment remarquables d’intensité, de présence, de Gaspard Ulliel à Guillaume Gouix, de la superbe nouvelle venue Lang-Khê Tran à Gérard Depardieu qui imprime sa marque et son génie en une seule scène. Il paraît que Nicloux a créé cette scène tardivement, juste pour le plaisir des deux compères de retravailler ensemble. C’est là une excellente raison de faire du cinéma et qui contribue à rendre ce film particulièrement attachant.