Après Ida, Oscar du meilleur film étranger en 2015, Pawel Pawlikowski signe Cold War, sur une passion moureuse malmenée par la grande Histoire. Un film d’une beauté plastique incontestable qui a valu à son réalisateur le prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes
1949. Dans la Pologne en ruine d’après-guerre, Wiktor et Irina, deux musiciens de renom, font le tour des campagnes dans le but de rencontrer de jeunes chanteuses. Leur idée est de créer un chœur féminin reprenant les chants traditionnels polonais, une façon de mettre en valeur une culture populaire mise à mal par l’occupation allemande et le nazisme.
C’est dans ce cadre que Wiktor rencontre Zula, jeune femme au passé trouble (on raconte qu’elle a tué son père) qui ne vient pas de la campagne mais qui voit dans ce projet l’occasion de s’en sortir… Elle a le regard électrique, la voix envoûtante, et deviendra vite la mascotte de la troupe.
Entre Wiktor et Zula, une étincelle s’anime, c’est le début d’une histoire d’amour aussi belle que dévastatrice.
Mais tandis que le gouvernement communiste tente de s’approprier leur spectacle à des fins propagandistes, les deux amants vivront leurs derniers instants de bonheur. Wiktor, s’opposant fermement à cette récupération politique, veut fuir vers l’Ouest, où Zula et lui pourront poursuivre leur carrière en duo. Mais celle-ci ne viendra pas au point de rendez-vous et Wiktor partira seul…
Quelques années plus tard, on le retrouve en exil à Paris, où il enregistre de jour la bande-son de films français en studio, et se produit de nuit dans des clubs de jazz. Il y a un monde entre la Pologne communiste et la capitale française des années 1950. Une modernité, une liberté qui se traduit par le tempo musical qui pulse dans les bars enfumés.
Les deux amants seront bien sûr amenés à se retrouver, clandestinement, car Wiktor, considéré alors comme dissident, est recherché par les autorités polonaises qui ont pour objectif de l’enfermer.
Dans un noir et blanc intense et contrasté, Pawlikowski déploie cette superbe fresque amoureuse qui, malgré les risques liés à l’époque, traversera les frontières à plusieurs reprises, laissant parfois nos deux prétendants sur le carreau, à bout de souffle, consumés par cet amour brûlant qui fait fi de tous les dangers.
Alicia Del Puppo, les Grignoux