Quinze ans après son documentaire percutant Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés, Sophie Bruneau propose Rêver sous le capitalisme, un film sur la souffrance au travail, problématique qui n’a cessé de s’aggraver et qui s’est généralisée à tous les secteurs
Quoi de plus subjectif que les rêves ? Quoi de plus complexe à partager ? Ils nous échappent fréquemment et nous abandonnent à la recherche du récit que nous voudrions nous rappeler. Pourtant, certains rêves ne s’oublient pas et sont tellement en lien avec une réalité vécue qu’ils nous en apprennent sur nos ressentis.
Le titre du film fait écho au livre Rêver sous le 3e Reich de Charlotte Beradt qui, dans les années 1930, a récolté un corpus de rêves qui témoignaient de la société totalitaire de l’époque. Tandis que la caméra scrute une série d’immeubles de bureaux imperturbables, Sophie Bruneau donne la parole à des personnes qui racontent leurs rêves liés à la souffrance au travail et leur demande de se prêter à un exercice d’interprétation de ceux-ci.
Ce qu’elle nous livre, c’est un portrait du monde du travail dans le système capitaliste. Que l’on soit cadre dans une entreprise de sécurité sociale, employé d’une entreprise d’assurances ou encore de l’administration, les normes bureaucratiques s’imposent au plus profond de nos êtres, jusqu’à nous poursuivre la nuit.
Un film qui permet la rencontre autour du thème de la souffrance au travail, qu’il faut aborder non pas comme une succession de cas individuels mais comme un véritable problème de société.
Ludivine Faniel, les Grignoux