Un des plus beaux films de Christophe Honoré, limpide, sensuel, presque douloureusement beau dans sa manière de filmer l’exultation des corps, des sentiments et l’éphémère de nos vies. Une magnifique histoire d’amour(s) en compétition à Cannes 2018.
Jacques (Pierre Deladonchamps, impeccable) attend un amant à la table d’un café parisien. Celui-ci arrive, parle de tout et de rien, passe du trivial à l’existentiel. Jacques le dévore des yeux, semble à la fois absent, amoureux et mélancolique… Lui aimerait vivre plus, et son amant évanescent est déjà ailleurs. Il regagne sans amertume son chez-lui et y retrouve son vieil ami Mathieu (Bruno Podalydès, étonnant et touchant) qui gardait Loulou, son fils de 7 ans. Plus tard, obligé d’aller à Rennes superviser une de ses pièces, il fait la connaissance d’Arthur (Vincent Lacoste, excellent), jeune, beau, désinvolte et prêt à une grande histoire à côté des petites. Jacques, Arthur, Mathieu : chacun appartient à une génération différente. Mais celles-ci ne s’affrontent pas : elles se parlent, se cherchent et s’aiment (d’amour ou d’amitié, et peu importe la frontière).
Leurs différences – conception de la vie, du désir – n’en est pas abolie pour autant, et il y a quelque chose de poignant et de terriblement beau à voir les vies de Jacques et Arthur en parallèle, avec l’appétit chaleureux, la nonchalance sensuelle d’Arthur et la fêlure intime de Jacques, sa peine existentielle parsemée d’éclats de joie. C’est un film dans lequel on peut être très malade et esquisser des pas de danse ; parler un français très châtié sans que cela sonne faux ; être à la fois pudique et explicite ; amoureux et las de vivre ; jouer les absents puis surgir sur un pont ; penser à l’avenir avec un séropo ; cacher ses souffrances ou pleurer sur son sort ; s’extasier et garder un ton badin en tout, surtout pour les choses les plus sérieuses. Et un film où l’exigence morale, l’idéal à atteindre serait esthétique : faire exulter les corps et « saillir la beauté ». À travers le portrait de ces hommes qui s’aiment et se désirent, Plaire, aimer et courir vite s’adresse à chacun.e de nous, comme un tout grand film d’amour. Exaltant et déchirant.
©Les Grignoux - Catherine Lemaire