L’épopée tragique et émouvante d’un garçon et son cheval sur les plaines de l’ouest américain par le réalisateur de 45 Years. Entre récit d’initiation à la dure et road movie exaltant, La route sauvage fait partie des belles découvertes de la Mostra de Venise
Charley Thompson (la révélation Charlie Plummer, justement récompensé à la dernière Mostra) a 15 ans et vient d’emménager à Portland. Il vit seul avec son père, un ouvrier de chantier, alcoolique notoire et dragueur invétéré, qui ne brille pas par ses bonnes manières mais qui aime son fils et s’en occupe bon an mal an depuis le départ de sa mère.
En joggant autour du pâté de maison, Charley découvre un hippodrome de seconde zone où il entre par curiosité. Là-bas, il fait la connaissance de Del (Steve Buscemi), un entraîneur de chevaux de course un peu rustre qui, attendri par le jeune homme, accepte de lui filer un petit job sur le terrain. Charley n’y connaît rien au monde équestre mais il apprend vite les ficelles du métier et surtout, se prend d’affection pour Lean on Pete, un pur-sang en fin de carrière. Le pauvre animal a fait son temps et, même dopé aux stéroïdes, ses résultats ne sont plus convaincants. Del pense sérieusement à le faire abattre.
Le jour où son père se retrouve brutalement hospitalisé, Charley, en perte totale de repères, vole la remorque de Del et embarque Lean on Pete sur les routes de l’Oregon, à la recherche L ean on Pete L A ROUTE SAU VAGE de sa Tante Martha, unique figure maternelle qui pourrait prendre soin de lui mais dont il a perdu toute trace.
Ce qui suit est l’odyssée solitaire, impitoyable, de ce jeune garçon livré à lui-même, terrifié par la police et les services sociaux, en quête d’un foyer, d’une lueur de bonté dans un monde qui, malgré son âge, ne lui a pas fait de cadeau.
Sur la route, il croisera toute une faune d’individus marginaux, rescapés d’une ancienne classe moyenne américaine vivant aujourd’hui au bord de la misère, brisée par l’alcoolisme et le manque d’argent : de jeunes militaires revenus d’Irak passant leur journée à vider des canettes de bière, maltraitant la seule fille de leur entourage, jusqu’à un couple de sans-abris borderline qui lui offre une couchette dans sa caravane.
Tout au long de ce périple, Charley reste impénétrable, fuyant – par peur – l’amabilité de ceux qui veulent lui venir en aide, et sombrant lui aussi, petit à petit, dans la précarité la plus totale.
Malgré ce côté réfractaire, l’empathie que l’on éprouve envers son personnage est sans réserve, le film parvenant magistralement à nous faire ressentir ce que signifie avoir 15 ans et être seul au monde. Et cette empathie, alors que son parcours le mène des grands espaces du nord-ouest américain aux villes abandonnées du Colorado, se mue doucement en une pure émotion. Une émotion qui vous cueille et vous étreint tout au long du film, jusqu’à son dernier plan, et bien au-delà encore.
© ALICIA DEL PUPPO, LES GRIGNOUX