Après nous avoir déstabilisés avec son conte fantastico-sexuel La Région sauvage, Amat Escalante réalise un thriller sombre sur fond de lutte des classes
Emiliano vit dans une petite ville minière du Mexique. Depuis trois ans, il cherche les responsables de la disparition de sa mère, une activiste qui défendait les emplois locaux menacés par une société minière internationale. Ses recherches le mènent aux propriétaires d’une luxueuse villa, les Aldama. Le père, un artiste contemporain, est en conflit avec les Aluxes, une secte dont il a dénoncé les agissements pédophiles. Autour de lui, son épouse, une actrice-chanteuse et la fille de celle-ci, influenceuse ultra-populaire, vivent dans l’oisiveté. Emiliano se fait engager comme homme à tout faire, persuadé que cette famille est liée à son drame personnel.
Connu pour son univers violent (Heli, primé à Cannes en 2013, collectionnait les scènes de tortures), Escalante choisit ici de suggérer plutôt que de montrer la violence de la société mexicaine. A travers les yeux du jeune Emiliano, il passe au crible le mode de vie surfait de cette famille aisée qui flotte dans son petit univers artificiel, entre Madrid et Mexico. Il pointe leur superficialité, leurs joies grotesques, leur indécence aussi. Par petite touches impressionnistes, le cinéaste trace le parcours d’Emiliano, à la recherche de la vérité. Le récit est parfois confus, la quête du jeune homme étant un peu délaissée pour pointer du doigt les dysfonctionnements du pays où systèmes judiciaire et policier sont particulièrement corrompus. Mais Escalante prend aussi le temps de raconter l’histoire d’amour entre Emiliano et Jazmine, semant dans ce récit noir quelques bulles d’innocence bienvenues. Quant à la maison des Aldama, elle est un personnage à elle-seule, l’architecture contemporaine pleine d’angles et de fenêtres donnant au cinéaste l’opportunité d’y installer une mise en scène ingénieuse.
LAURENCE HOTTART, les Grignoux