Immergé dans le monde du marché de l’art, le film de Pascal Bonitzer (Rien sur Robert, Cherchez Hortense) construit habilement son intrigue, épicée de questionnements
socio-politiques, entre légèreté et gravité
André Masson, commissaire-priseur dans la célèbre maison de ventes Scottie’s, reçoit un jour un courrier selon lequel une toile d’Egon Schiele aurait été découverte à Mulhouse chez un jeune ouvrier. Sceptique, il se rend sur place et doit se rendre à l’évidence : l’œuvre est authentique, un chef-d'œuvre disparu depuis 1939, spolié par les nazis. André voit dans cette découverte le sommet de sa carrière, mais c’est aussi le début d’un combat qui pourrait la mettre en péril. Heureusement, il va être aidé par son ex-épouse et collègue Bertina, et par sa fantasque stagiaire Aurore...
Le moteur du Tableau volé, ce sont les conflits et les changements de points de vue réguliers qui lui donnent un rythme très musical. En chef d’orchestre habile, Pascal Bonitzer gère sa galerie de personnages que l’on dirait parfois sortis de l’univers d’une bande dessinée à l’ancienne, tant leurs comportements ont ce petit quelque chose de décalé qui les démarque du réalisme. Ils sont incarnés par des comédiennes et comédiens complices, qui s’approprient des dialogues ciselés pour des joutes verbales souvent malicieuses. À ce titre, Léa Drucker et Alex Lutz confirment leur facilité à s’inscrire dans l’univers de la comédie, lorsque tout se joue dans les détails, dans la subtilité d’une expression ou d’une intonation.
La singularité de ce film plein d’esprit est de ne pas se contenter de faire du style pour du style. Progressivement, il ajoute de la gravité, ce qui lui donne une dimension sociale et morale. Il y a les références à la Seconde Guerre mondiale et à la spoliation des biens juifs. Cet aspect historique traverse le scénario, sans pour autant en être son élément central. Il permet à Pascal Bonitzer de confronter deux mondes opposés : la bourgeoisie et le prolétariat, au centre desquels se retrouve ce tableau d’une grande valeur, mais entaché d’une tragédie.
D’un côté, des êtres qui ont un rapport cynique et volatile à l’argent. De l’autre, celles et ceux pour qui il est un moyen de survie.
À l’image du personnage du jeune ouvrier, et de cette grande dignité qui le caractérise du début à la fin dans son rapport à l’argent et à l’Histoire, cette comédie de prime abord ludique est bien plus sérieuse et précieuse qu’elle n’en a l’air.
Nicolas Bruyelle, les Grignoux