Cette comédie sentimentale pleine de sincérité et d’humanité évite tous les écueils à travers le portrait, drôle et grave, d’une relation mère-fils sur fond d’héritage et de transmission
Bellisha a 27 ans et mène une vie de petit retraité : il va au café, fait le marché, flâne dans la cité... Il vit chez sa mère Giselle, qui sort très peu et à qui il fait croire qu'il est solidement intégré dans la vie active. Le vent tourne quand Giselle s'aperçoit qu'ils sont les derniers Juifs de leur cité. Elle se convainc qu'il faut qu'ils partent eux aussi. Bellisha n'en a pas très envie, mais pour rassurer sa mère, il lui fait croire qu'il prépare leur départ…
Dans le contexte politique sensible que l’on traverse, le film aborde des sujets épineux sans clichés, se démarquant au passage des films de cité habituels, où la question du judaïsme est le moteur de l’action, pas son sujet central.
C’est une comédie lucide et mélancolique d’aujourd’hui (qui n'élude pas le racisme et l'antisémitisme) qui prône de belles valeurs sur l’amitié et la solidarité, à l’image de ces scènes d’entraide entre voisins d’origines multiples.
Le style personnel se démarque dans la production française au rayon des comédies. Il évoque le cinéma indépendant américain et la Nouvelle Vague. Il y a cette voix off complice et joueuse, cette bande originale aux orchestrations classiques, cette façon de révéler tous les recoins d’un minuscule appartement pour raconter le passé d’une famille, ces scènes de dialogues enjouées et permanentes, cette façon libre et vive de filmer le quartier pour lui donner une vraie consistance sociologique.
Que dire surtout de ce fils (formidable Michael Zindel, une révélation !) au tempérament burlesque et lunatique, sorte de réincarnation du jeune Jean-Pierre Léaud dans les films de François Truffaut ? Sa relation fusionnelle avec sa mère (magnifique Agnès Jaoui, dans l’un de ses rôles les plus forts) est dépeinte dans toute sa beauté paradoxale. Suivre la trajectoire initiatique aux résonnances universelles de ce jeune héros qui découvre que rien n’est éternel, que tout n’est que transition, pour lui et sa famille, émeut profondément.
Nicolas Bruyelle, les Grignoux