Prix French Touch du Jury à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes
Bayard d’Or au FIFF, cette chronique intimiste, aux portes du documentaire, raconte la relation fusionnelle entre une sœur et un frère. Le portrait d’une jeunesse précarisée que la Namuroise Paloma Sermon-Daï révèle avec sensibilité, dans un formidable geste cinématographique
Sous un soleil caniculaire, Purdey, 17 ans, et son frère Makenzy, 15 ans, sont livrés à eux-mêmes et tentent de se débrouiller seuls. Alors que Purdey fait des ménages dans un complexe hôtelier, Makenzy se fait un peu d’argent en volant des touristes. Entre l’insouciance de l’adolescence et l’âpreté de la vie adulte, ils devront se soutenir l’un l’autre dans ce voyage d’une douceur déchirante, qui semble bien être le dernier été de leur jeunesse…
En à peine deux films qui se font écho aux niveaux thématique et formel, Petit Samedi et Il pleut dans la maison, la jeune cinéaste Paloma Sermon-Daï fait preuve d’une démarche cohérente et personnelle qui impressionne.
En filmant celles et ceux qui lui sont proches dans des lieux qu’elle connait, elle parle de la famille, de la jeunesse, de la maladie mentale, du foyer dans un contexte social difficile, sans misérabilisme aucun, avec une profonde humanité. L’amour demeure ici le fil rouge, ce cœur qui fait battre le récit.
Nous découvrons une chronique de l’intime dans laquelle la fiction se nourrit de la réalité (dramaturgie réduite à sa plus simple expression, spontanéité du jeu, dialogues naturels, peu de décors…) et qui est totalement dédiée à ses personnages, à leurs interactions et à leur intériorité.
Paloma Sermon-Daï est aussi une cinéaste de l’image et de la lumière dont l’approche permet de débusquer ce qui se cache derrière les apparences. Son sens de l’épure, du cadrage et de la fixité, de l’utilisation de la lumière naturelle, discrètement poétique, donne à son propos un souffle supplémentaire, met en lumière le caché. On pense directement à cette mère fantomatique (très belle scène où Makenzy croit entendre sa mère dans la maison, la nuit, alors qu’elle n’est pas là) qui imprime de sa présence déstabilisante l’atmosphère d’une maison, cet autre grand personnage du film. Une maison dans laquelle il n’est décidément pas simple de vivre, mais dont on ne peut, paradoxalement, se détacher, car elle est le lieu des origines.
Nicolas Bruyelle, les Grignoux
Le temps des vacances est celui de l’abandon, du temps mort, du plaisir libre. C’est aussi la métaphore d’une jeunesse condamnée à se débrouiller seule. Très proche des visages, la réalisatrice capte dans le regard de ses deux protagonistes la détermination et l’inquiétude qui se cachent derrière l’insouciance.
Rares sont les films contemporains à si bien comprendre et capter le mal-être psychologique et social de jeunes à la croisée des chemins, qui ne sont plus des enfants mais pas encore tout à fait des adultes, seuls face à leur destin. Pour y arriver, Il pleut dans la maison se teint d’une mélancolie sourde, à l’ambiance paradoxale, entre légèreté et gravité, douceur et violence, à l’image de Makenzy dont la violence rentrée peine de plus en plus à être canalisée au fil du récit. Une tension traverse l’histoire, car les actions des personnages sont incertaines. Le montage, elliptique, renforce cette impression.
Il pleut dans la maison est l’histoire initiatique d’un frère et d’une sœur unis pour la vie qui, s’il s’inscrit dans un milieu social précaire, n’existe pas pour déployer un discours sociologique et démonstratif. Il est là pour mettre la jeunesse à l’avant-plan, une jeunesse à laquelle la cinéaste redonne toute la dignité et la fierté qu’elle mérite, et à travers elle des paysages de chez nous que l’on sublime si peu de cette façon au cinéma. Respect.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux