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Film de genre à tendance sociale, Vincent doit mourir mélange les styles, les inspirations, de Carpenter à Romero, pour offrir un objet de cinéma déroutant, détonnant, où l’on retrouve deux des acteurs les plus stimulants du cinéma français : Karim Leklou et Vimala Pons !
On pourrait décrire Vincent (toujours parfait Karim Leklou) comme un mec lambda, un mec comme il en existe plein dans les grandes villes. La trentaine, graphiste, il bosse dans le domaine de la pub et, chaque matin, il enfourche son vélo de course pour se rendre à son bureau, un open space moderne où circulent toutes les valeurs d’une entreprise jeune et dynamique. Pourtant, un jour, sans crier gare, le stagiaire de la boîte s’approche de lui et lui flanque un bon gros coup d'ordinateur portable sur la tronche. Sidération. Questionnement. On met ça sur le compte d’un surmenage en imaginant que ça fera plus tard une bonne anecdote. Sauf que ça recommence… Très vite, Vincent devient la cible d’un grand nombre de personnes sans comprendre pourquoi. Ça commence toujours de la même manière : par un regard, un « eye contact », qui tourne à la mise à mort. Une dame sur le trottoir, un automobiliste dans la circulation, un groupe d’enfants, tous semblent penser que Vincent doit mourir. Et dans ce climat délétère, Vincent n’a plus qu’une chose à faire… fuir. Fuir cette civilisation qui, sans explication, pète un câble ; fuir cette humanité désaxée capable de la plus grande violence sur un type qui n’a rien demandé et qui, surtout, n’a rien fait.
Stephan Castang, dont c’est le premier long métrage, signe un film tout à fait barré, incroyablement imaginatif, à la lisière de plusieurs genres et qui n’en finit pas de surprendre. Glissant du thriller paranoïaque, dans lequel le héros doit juste sauver sa peau, au survival post-apocalyptique zombiesque, en passant par la comédie burlesque et même la romance (c’est ici qu’intervient le personnage de Vimala Pons…), Vincent doit mourir nous happe dès les premières secondes pour nous installer dans son monde, tout ce qui a de plus banal, mais où, pourtant, l’horreur surgit de manière affolante. Et c’est certainement ce qu’il y a de plus fascinant dans le film, cette manière de charger le réel d’une sinistre menace, car les gens qui s’en prennent à Vincent n’ont rien de monstrueux, ils sont ordinaires, ce sont ses collègues, ses voisins, des profils du quotidien qu’on pourrait croiser dans le bus et qui, d’un coup, se transforment en zombies assoiffés de sang. C’est aussi de ces corps de la vie de tous les jours, dont l’anatomie engourdie n’évoque a priori pas l’offensive musclée, que surgit l’aspect cocasse du film, son humour inquiet et déconcertant qui, en filigrane, dit quelque chose du monde d’aujourd’hui et de la violence larvée qui y macère.
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux
