L’actrice et réalisatrice québécoise Monia Chokri signe une onctueuse comédie, pleine de verve et d’esprit, sur le désir féminin et ses contradictions. Rarement on aura vu ce sujet traité avec autant de finesse, de drôlerie et de sincérité
Sophia est professeure de philosophie à Montréal et vit en couple avec Xavier depuis dix ans, lui aussi philosophe. L’amour qui les lie s’insinue dans les conversations intellectuelles qu’ils partagent et renouvellent chaque jour. Leur sexualité semble inexistante, mais cela leur convient. Jusqu’à ce que Sophia rencontre Sylvain, le charpentier qui supervise les travaux de leur chalet de campagne, et qu’elle en tombe follement amoureuse…
Bien plus qu’une histoire d’adultère, Simple comme Sylvain décortique les différentes couches et contrastes du désir féminin. Sophia est une femme de 40 ans assez sage, ouverte d’esprit mais prude dans la pratique, dont le corps et la sensualité vont s’animer au contact de Sylvain, homme viril et manuel en tous points différent de Xavier. Chargée de cours à l’université du troisième âge, Sophia enseigne l’amour dans la philosophie et ses allocutions en classe, qui ponctuent le film, agissent comme le miroir de ce qu’elle vit.
L’amour, le désir, le manque et la passion ont été explorés mille fois au cinéma, mais un tel personnage de femme, qui questionne à ce point le trouble qui la traverse, est quelque chose de plus rare. Au-delà de la sexualité, le film évoque aussi les limites d’une relation entre deux personnes issues de milieux différents, et la mélancolie qui accompagne le fait d’en prendre conscience, d’autant plus quand une telle symbiose physique est possible. Beaucoup se reconnaîtront dans ce portrait qui, bien qu’il soit éprouvé et filmé par une femme, s’adresse à quiconque ayant déjà expérimenté ce vacillement intérieur, cette fougue insaisissable qui va parfois jusqu’à faire basculer les fondements mêmes de notre intimité.
Si le sujet est sérieux, Monia Chokri l’aborde avec un ton tout à fait original, dont la singularité s’inscrit à la fois dans la modernité de l’écriture (les dialogues sont exquis), mais aussi dans la langue, ce français québécois dont l’usage diffère du nôtre et nous fait explorer, par son lexique et ses associations insolites, une manière de voir le monde et de le décrire tout à fait truculente.
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux