Philippe Van Leeuw, réalisateur belge à qui l’on doit Une famille syrienne (2017), investit aujourd’hui un autre territoire et se penche sur le caractère aussi insondable qu’irrémédiable du racisme qui habite une policière américaine
Jessica Comley est « border patrol », elle garde la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Ou plutôt, chasse celles et ceux qui tentent de la traverser. José, membre de la communauté des Tohono O’odham, parcourt lui aussi cette frontière, mais pour venir en aide aux migrants. Le récit débute avec la jeune femme, pour bifurquer aux côtés du vieil homme, jusqu’à ce que leurs chemins se croisent et que retentisse un coup de feu dans le désert.
La vie de Jessica semble aussi âpre et aride que les plaines désertiques de l’Arizona. Dans cette atmosphère étouffante, ses émotions sont comme éteintes. Seuls restent une haine tenace et un racisme viscéral, nourris par une foi aveugle. Vicky Krieps (Corsage, Phantom Thread) incarne avec une force et une précision stupéfiantes la banalité du mal.
Le mur du titre, c’est bien sûr celui érigé par Trump, mausolée anthume à la gloire de son patriotisme frelaté. Mais c’est aussi tous les autres murs qui balafrent le monde, érigent des barrières. La supériorité raciale établie par Jessica quand elle voit moins qu’un humain dans le visage de l’homme qu’elle abat de sang-froid, moins qu’un « vrai » Américain dans le sage Amérindien qui ose contredire sa parole fait écho à bien d’autres, manifestations d’un racisme endémique qui sévit partout dans le monde.
Dissection implacable de la banalité du mal, The Wall résonne comme un western ultra-contemporain en prise avec les démons universels du racisme et de la peur de l’autre.