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Présenté en ouverture de la Quinzaine des cinéastes à Cannes cette année, le nouveau film de Cédric Kahn (La Prière, L’Ennui) raconte le deuxième procès de Pierre Goldman (le demi-frère du chanteur), militant et activiste d’extrême gauche, accusé dans les années 1970 de divers braquages dont un ayant entrainé la mort de deux femmes. Un huis clos captivant qui nous plonge aussi dans la France des années 1970 avec ses discours de droite bien-pensants
Condamné en première instance à la réclusion à perpétuité pour plusieurs vols à main armée et pour le meurtre de deux pharmaciennes, Pierre Goldman (Arieh Worthalter, bluffant) est ramené, en 1975, devant la cour d’assises d’Amiens. L’homme reconnait les vols, mais clame son innocence dans la dernière affaire, celle de la pharmacie de la rue Delaunay à Paris, où deux femmes ont été abattues à la suite d’un braquage.
Provocateur, souvent insaisissable dans son discours ou son cheminement mental, Goldman est, depuis la médiatisation de son procès, devenu une icône de la gauche intellectuelle française. Premier né d’un couple juif, pauvre mais très engagé dans la Résistance, son parcours de vie l’emmène de la Pologne à l’Amérique latine en passant par Cuba, où il se nourrit d’idées révolutionnaires aux côtés de combattants communistes. L’homme est intelligent, érudit, fascinant. Mais il est aussi décrit comme psychologiquement instable, voire violent. Défendu par le jeune avocat Georges Kiejman (Arthur Harari), il sait qu’il risque la peine capitale. Les rapports entre le prévenu et son défenseur sont tendus et l’attitude arrogante de Goldman rend l’issue du procès incertaine.
Le titre du film de Cédric Kahn est très clair : Le Procès Goldman nous immerge dans le cœur du tribunal, au sein même du prétoire, dont on ne sortira quasiment pas pendant deux heures. Le décor est volontairement dépouillé, on est avant tout dans un film de discours, judiciaire et politique, car derrière les interrogatoires menés par le juge, les interventions des avocats et du procureur, les interruptions nombreuses et parfois cyniques du prévenu, il est aussi question de racisme, d’antisémitisme, de politique de droite. Les digressions sont nombreuses et s’écartent souvent des faits. On ne juge pas seulement un homme. On s’interroge sur les raisons qui l’ont poussé à commettre ces actes criminels. Que reproche-t-on à Goldman ? Son engagement politique ? Sa judaïcité ? Son apparence, peut-être : trop typée, trop méditerranéenne pour être celle d’un honnête Français innocent. Et le procès de se transformer en véritable agora politique.
L’intelligence du film est d’amorcer tous ces problèmes de société, mais de les laisser finalement hors champ, attisant un peu plus la tension, créant le doute quant à l’issue du procès.
Certains reprocheront au film son côté trop théâtral. Les dialogues sont certes très écrits et les personnages, parfois proches de la carricature, amènent certains acteurs à jouer avec emphase. Mais Cédric Kahn aborde cette affaire judicaire avec une intelligence subtile et s’inspire de la complexité de son personnage principal pour faire un film sans aucun doute exigeant, qui reste fascinant de bout en bout.
LAURENCE HOTTART, les Grignoux
