Présenté en compétition à Cannes, ce drame familial et politique tourné en Corse raconte la confrontation de personnages avec leur passé et leurs racines. Derrière l’insouciance des vacances se cachent des blessures profondes
Khédidja travaille pour une famille parisienne aisée qui lui propose de s'occuper des enfants le temps d’un été en Corse. C'est l'opportunité pour elle de retourner avec ses filles, Jessica et Farah, sur cette île qu'elles ont quittée quinze ans plus tôt dans des circonstances tragiques. Alors que Khédidja se débat avec ses souvenirs, les deux adolescentes se laissent aller à toutes les tentations estivales : rencontres inattendues, quatre cents coups, premières expériences amoureuses. Ce voyage sera l'occasion pour elles de découvrir une partie cachée de leur histoire…
Derrière les apparences hédonistes, il y a les marques d’une histoire familiale dont les cicatrices ne sont pas encore refermées et celles, plus brutales encore, relatives aux différences de classes sociales et culturelles. Des photos en noir et blanc dans des cadres rappellent l’existence d’un père disparu, des souvenirs resurgissent lors de discussion avec des membres inconnus de la famille, des non-dits peinent à être percés. Rien n’est simple dans ce retour aux sources.
Il y aussi les rencontres avec les jeunes du coin, attirants et mystérieux, qui ont le goût du risque et la forme d’une nouvelle liberté, du moins d’une possibilité de penser à autre chose. Mais est-ce possible ? Ces moments confrontent en effet les deux sœurs à leur différence, l’une cherche à se construire dans la contestation et la violence, quand l’autre veut plutôt s’intégrer.
Le Retour est une histoire de tourbillons émotionnels aux origines socio-culturelles, c’est ce qui fait sa dimension politique et le distingue d’une simple bluette de vacances déjà vue mille fois. Catherine Corsini capte très bien ces états paradoxaux de la fin de l’adolescence. Elle trouve matière à y ajouter une dimension plus profonde encore, liée au poids familial des deux héroïnes et à un cadre de vie complexe qui ne fait pas vraiment de cadeaux. Elle le fait dans des scènes de fête dont l’intensité, les excès, la beauté et la violence sont particulièrement bien rendus, avec beaucoup de sensualité et de puissance dans la mise en scène. Ce sont les moments les plus forts d’un film dont la partie consacrée aux adultes est peut-être plus conventionnelle, dans le sens où les intentions y sont plus démonstratives. Dans celle consacrée à la jeunesse, nettement plus libre et fiévreuse, la cinéaste peut s’appuyer sur le jeu naturel des comédiennes et comédiens dont les personnages sont particulièrement touchants dans leur fragilité et leur complexité. On pense immédiatement à la beauté fragile des deux héroïnes et à leur difficulté d’être en paix avec elles-mêmes, de donner du sens à leur futur.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux
>> À partir de sa date de sortie (voir fiche technique ci-dessus), vous pouvez considérer que ce film sera visible au minimum durant 3 à 4 semaines dans les salles des Grignoux.