Dans un essai stupéfiant, Denis Gheerbrant et Lina Tsrimova rapportent des histoires de travailleurs échoués sur une décharge géante dans le Kirghizistan. Au bout de la surconsommation de masse, voici les déchets et ceux qui les trient
Le site de la déchetterie apparaît comme un monstre fumant, survolé par les oiseaux, dont on se demande comment ils parviennent encore à respirer. Ce pourrait être l’enfer, ou le début d’une pièce de Samuel Beckett, Oh les beaux jours, avec son personnage à moitié enterré sur un monticule. Dans La Colline, justement, un couple de Tsiganes, Alexandre et Aliocha, a pris racine sur la montagne de déchets. C’est ici qu’ils vivent, installés sous un parasol qui les protège un peu du vent et du soleil. Ils font du tri, et boivent aussi. O
n ne peut pas vivre ici sans vodka, dit Alexandre, qui a commencé à s’alcooliser pour éviter de se battre, quand il était jeune et fougueux : « Un litre et tu es raide. » Plus tard, il livrera des souvenirs plus lourds. La nuit, les lampes frontales des trieurs balaient les lueurs des feux allumés, ici et là, pour détruire les résidus. Il a fallu du temps au tandem de cinéastes pour se faire accepter sur le site. On découvre ainsi Tadjikhan, fichu coloré et large visière : cette dame, née en 1959 au Kirghizistan, travaillait dans les kolkhozes avant d’échouer ici. La démocratie venue, il n’y avait plus de travail, dit-elle. Elle doit nourrir les trois enfants qui lui restent – cinq autres sont morts. L’émotion l’envahit. Gheerbrant et Tsrimova se concentrent sur les récits de vie, réduisant le film à sa juste longueur, comme par pudeur.
>> À partir de sa date de sortie (voir fiche technique ci-dessus), vous pouvez considérer que ce film sera visible au minimum durant 3 à 4 semaines dans les salles des Grignoux.