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Après le succès de 120 battements par minute sur la naissance du mouvement Act Up en France, Robin Campillo revient avec un film poétique et politique sur la fin du colonialisme et de l’enfance
Début des années 1970, sur une base de l’armée française à Madagascar. L’ambiance est à l’insouciance chez ces militaires et leurs familles qui vivent pourtant les dernières illusions du colonialisme…
L’Île rouge ne se donne pas ouvertement. On y pénètre à petits pas, son enjeu est ténu, peut-être impalpable, mais l’on finit par adhérer à son climat mystérieux, à cheval entre le réalisme et l’onirisme. Les récits de Campillo s’inscrivent au cœur d’une agitation politique et racontent quelque chose de l’histoire de la France (Eastern boys, le film précédant 120 battements, parlait de la situation de sans-papiers), par le biais d’une approche sensorielle. Les remous sociétaux sont, cette fois, observés du point de vue de l’enfance dont la pureté originelle va être confrontée à la découverte du hors champ, de l’inconnu, comme dans tout récit initiatique. Soit la révolte des Malgaches derrière les murs de la base, de plus en plus pressante, combinée au désir de l’aventure. Parmi ces adultes insouciants, aveuglés par leur bonheur facile et leur pouvoir de colon blanc, il y a donc l’enfance incarnée par ce fils qui, de loin, regarde les comportements de ses parents, avec l’étrange lucidité de celui qui saura peut-être en premier ce qu’il adviendra de toutes ces postures ambiguës.
Robin Campillo greffe au récit central des séquences féériques mettant en scène les aventures de Fantômette, un personnage de la littérature enfantine. D’un coup, nous glissons de la gravité à la légèreté, et basculons du côté de la fantasmagorie dans une approche bricolée et ludique, très carton-pâte et bout-de-ficelle. Esthétiquement très soigné, L’Île rouge baigne dans ce climat à l’étrangeté et aux ruptures de ton permanentes qui soit inquiètent, soit font rêver.
Robin Campillo enregistre cette agitation en y mettant de la nuance, surtout il dénonce une période sombre de l’histoire de son pays, de l’Occident en général, et n’oublie pas de faire des populations autochtones les héros de l’histoire. Si l’enfant de la famille dit ne pas vouloir garder de souvenirs en lui, les Malgaches veulent, eux, retrouver leur identité et écrire un nouveau présent, dans l’indépendance et l’émancipation les plus totales.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux
>> À partir de sa date de sortie (voir fiche technique ci-dessus), vous pouvez considérer que ce film sera visible au minimum durant 3 à 4 semaines dans les salles des Grignoux.
