« La lettre qui allait changer la vie d’Harold Fry arriva le mardi ». La cinéaste britannique Hettie MacDonald adapte le joli roman de Rachel Joyce et raconte l’incroyable pèlerinage d’un retraité à travers l’Angleterre. Un film émouvant qui parle autant de rédemption que d’espoir et de solidarité
Le jour où il reçoit la lettre de son amie et ancienne collègue Queenie est pourtant un jour comme un autre dans la vie tristounette d’Harold Fry (Jim Broadbent). Retraité, vivant avec son épouse dans une petite ville côtière du Devon, Harold Fry n’en est pas moins troublé d’apprendre que Queenie est malade et mourante. Elle vit ses derniers jours dans un hospice, au nord du pays. Quelques mots de sympathie griffonnés à la hâte en réponse et le voilà en route. « Pars-tu longtemps ? », lui demande sa femme Maureen. « Juste un trajet vers la boîte aux lettres ! », répond-il. Mais ces quelques lignes sont-elles suffisantes pour exprimer son amitié à celle qui fût plus qu’une collègue ? Mètre après mètre, Harold continue à marcher et dépasse bientôt la boîte postale. Le voilà en dehors de la ville, une idée complètement folle en tête : et si les derniers moments de Queenie pouvaient être suspendus le temps de son voyage vers Berwick-upon-Tweed ? Et si cette marche de 800 kilomètres était aussi pour lui l’occasion de faire le point sur sa vie ?
On ne parlera pas de récit initiatique par respect pour l’âge avancé du personnage principal, mais c’est finalement un peu de cela dont il s’agit tout de même. Pas après pas, cet homme meurtri par la vie (on apprend le drame de son existence au fil des kilomètres qu’il avale) se plonge dans son passé, le but annoncé de son périple (retarder la mort de Queenie en marchant à travers le pays) passant bientôt au second plan. Le voyage est semé de petites embûches (ampoules aux pieds, averses… nous sommes en Angleterre, ne l’oublions pas), mais surtout de belles rencontres qui vont à chaque fois fonctionner comme autant de petits moteurs et impulser une nouvelle énergie à Harold dans cette quête un peu folle. De la jeune médecin slovaque qui soigne ses pieds meurtris au chien errant qui soigne son âme, chacun à sa façon fera un bout de chemin avec Harold, partagera un instant de sa vie, et se nourrira de son projet un peu fou, aussi naïf soit-il.
L’Improbable voyage d’Harold Fry ressemble à un conte avec des personnages attachants et des paysages bucoliques. On oublie vite le format parfois un peu trop télévisuel du film (la réalisatrice a essentiellement travaillé pour la BBC), ses petits excès de sentimentalisme, et on accompagne volontiers Harold Fry dans son pèlerinage romantique à travers l’Angleterre.
LAURENCE HOTTART, les Grignoux