Récit initiatique et largement autobiographique, The Inspection raconte le besoin vital d’appartenance et de reconnaissance que ressent tout être humain. Porté de bout en bout par le jeune chanteur et acteur Jeremy Pope, ce premier film élégant et terriblement intime est étonnant à plus d’un titre et bouleverse par la justesse de sa mise en scène
Ellis French, jeune Afro-Américain, a été rejeté par sa mère dès le moment où il lui a révélé son homosexualité. Après plusieurs années d’une vie marginale, il décide de forcer le destin en s’engageant dans les Marines. Une décision incongrue quand on connaît le haut degré d’homophobie de l’armée américaine mais qui traduit chez le jeune homme un besoin essentiel de faire partie d’une communauté, à défaut d’être accepté par sa famille. Un acte qui, il l’espère aussi, lui permettra de reconquérir l’amour de sa mère.
Ellis se jette à corps perdu dans ces semaines d’entraînement physiquement et moralement éprouvantes. Inévitablement, il doit très vite affronter l’homophobie de ses coéquipiers et de ses supérieurs.
Étonnamment, The Inspection ne tire pas pour autant à boulet rouge sur l’armée. Si le film souligne son côté sadomasochiste, il présente aussi l’unité des Marines comme une force à la fois constructrice et destructrice, en déjouant en permanence les idées préconçues et les recettes scénaristiques. Ellis French y est présenté comme un anti-héros, toujours en combat (dans sa vie privée comme dans l’armée). Une dualité que le cinéaste exploite clairement en le transformant au fil du film en une sorte de guerrier ordinaire pris dans des situations extraordinaires. Il faut d’ailleurs souligner la performance d’acteur de Jeremy Pope qui donne au personnage d’Ellis toute la profondeur nécessaire. À la fois stoïque et fragile, souvent vibrant d’émotions retenues, Ellis navigue en permanence entre ses envies de discrétion et de connexion au groupe.
The Inspection nous fait forcément penser à Moonlight, le côté naturaliste de la mise en scène de Bratton nous ramenant régulièrement au magnifique film de Barry Jenkins. À souligner aussi la très belle partition musicale d’Animal Collective qui, avec ses influences pop expérimentales, rythme parfaitement le récit. Un premier film pur, honnête et surprenant.
LAURENCE HOTTART, les Grignoux