À 76 ans, Steven Spielberg signe une œuvre qui a des allures de confessions intimes, lui qui, comme le petit Sammy, aura vu sa vie marquée par la magie du cinéma. The Fabelmans est autant une touchante histoire familiale qu’un merveilleux récit initiatique, à la vie et à l’art, les deux étant forcément indissociables.
La consécration aux Oscars ?
Le jeune Sammy Fabelman tombe amoureux du cinéma après que ses parents l’aient emmené voir Sous le plus grand chapiteau du monde, le film de Cécile B. DeMille qui l’impressionne fortement. Armé d’une petite caméra, Sammy commence à faire ses propres films à la maison, pour le plus grand plaisir de ses parents, et en particulier de sa mère qui le soutient beaucoup dans sa démarche…
Steven Spielberg est une des toutes grandes figures de l’Histoire du cinéma, un véritable auteur qui aura fait sa place au sein de l’industrie hollywoodienne sans perdre ses valeurs et obsessions thématiques. C’est sans doute un des seuls cinéastes toujours en activité à avoir atteint un tel degré de combinaison entre le divertissement pur et la démarche personnelle, sans jamais perdre le public. Le cinéaste absolu, en somme. The Fabelmans fait l’éloge de cette magie du cinéma artisanal, bricolé, simple, là où tout démarre avec deux fois rien, une petite caméra et un train électrique.
The Fabelmans ne déroule pas le récit factuel de la carrière de Steven Spielberg sous la forme d’un biopic à la gloire de l’artiste, ce n’est pas le genre du réalisateur d’E.T. qui confirme à quel point il est terriblement authentique et modeste, tant ce qui se joue dans The Fabelmans l’est de manière discrète, sensible et déchirante, derrière une pudeur si juste. Steven Spielberg aborde des thèmes universels qui parleront à tout le monde et qui se situent du côté de la petite histoire. Celle qui bouscule les familles dysfonctionnelles mais prondément aimantes, celle que peut vivre un enfant tiraillé entre ses deux parents (un père qui incarne la science et une mère artiste) qu’il comprend à contre-temps, traversée aussi de violence (l’antisémitisme dont est victime le petit Sammy à l’école), mais aussi d’aventures plus romantiques (les premiers baisers)… Le type d’histoires qui est à la source de la formation de toute existence.
De biais ou de face, The Fabelmans est forcément nourri par le cinéma, véritable personnage extraordinaire du film vu l’influence marquante qu’il exercera sur son personnage principal. Steven Spielberg signe un magnifique éloge au cinéma, à la salle, à la beauté de la création artistique, jamais sentencieux ou amer, toujours du bon côté de la vie (la légèreté et l’humour restent des bons compagnons de route du cinéaste). Au passage, il pose, sans rien intellectualiser, une réflexion stimulante sur le statut et le pouvoir de l’image dont la puissance intrinsèque peut transformer le spectateur à tout moment. Pensons aux petits films de famille, puis d’étudiant que réalisent Sammy et qui troubleront au plus profond d’eux-mêmes tant le réalisateur que les autres protagonistes du film. C’est l’enfance de l’art, deux mots qui définissent bien l’œuvre de Steven Spielberg, un cinéaste décidément si précieux.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux