Primé au Festival de Cannes et au Festival du cinéma américain de Deauville, Aftersun est un premier long métrage sensible et lumineux, lové dans la douce mélancolie des souvenirs d’enfance, dans le regard d’une jeune fille de 11 ans sur son père, figure aimée et insaisissable…
C’est l’été à la fin des années 1990. Sophie (Frankie Corio), 11 ans, passe ses vacances dans une station balnéaire turque avec son père Calum (Paul Mescal, vu dans la série Normal People). Le décor est celui d’un hôtel all in, animé par des activités quotidiennes – comme des spectacles ou du karaoké – où se retrouvent petits et grands. Les couleurs dans lesquelles baigne le film sont celles du bleu du ciel et de l’eau de la piscine, le vert des montagnes et les motifs bariolés des tenues de l’époque. La pellicule accueille les rayons du soleil, donnant à l’image cet aspect saturé et suranné des polaroïds, évoquant un temps passé. Aspect accentué lorsque Sophie prend son caméscope pour enregistrer leurs souvenirs de vacances, s’amusant à interviewer son père, lui posant toutes sortes de questions anodines et naïves, mais dont les réactions qu’elles suscitent chez Calum laissent parfois songeurs.
On comprend vite – par une série de flashs où l’on retrouve Sophie plus grande – que ces images sont réellement issues de sa mémoire et que cette dernière, alors plus âgée, tente en les invoquant de reconstituer la personnalité d’un père qui, malgré tout, ne cesse de lui échapper. Parce qu’elle était trop jeune à l’époque pour pénétrer le mystère qui enveloppait celui-ci et qui lui résiste encore aujourd’hui. La réussite du film, sa petite musique singulière et mélancolique vient du statut particulier de cette image-souvenir où l’on sent à chaque instant, diffus dans la lumière estivale, le poids d’une perte toute proche. Comme si chaque instant se chargeait d’un sentiment d’éphémère, que la joie éprouvée portait déjà en elle une profonde tristesse.
La bande originale du film aux notes éthérées et planantes composée par Oliver Coates accompagne de très près cette impression. Sans compter sur les tubes de l’époque où l’on retrouve autant Losing my Religion de REM au Never Ever des All Saints, en passant par la Macarena de Los del Río qui viennent, eux, raviver la nostalgie d’une époque dans laquelle se reconnaîtront tous les enfants des années 1990.
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux