Le réalisateur sud-africain Oliver Hermanus s’empare du film d'Akira Kurosawa (Ikiru, 1952) et le transpose dans le Londres de l’après-guerre. Avec un Bill Nighy à contre-emploi et mélancolique à souhait dans le rôle de ce fonctionnaire qui se sait condamné par la maladie et décide de donner un nouveau sens à sa vie
Bill Nighy (vu dans Good Morning England, Pirates des Caraïbes, mais aussi Love Actually— la star de rock déchue qui sort un single de Noël) interprète le personnage mélancolique de Williams. Fonctionnaire chevronné, mais aussi rouage impuissant dans le système administratif d’une ville qui doit se reconstruire, Williams mène une vie morne et sans intérêt. Tout change lorsqu’on lui diagnostique une maladie grave qui l’oblige à faire le point sur son existence. Rejetant son quotidien banal et routinier, Williams va alors se dépasser et enfin vivre pleinement sa vie.
Si l’industrie du cinéma compte continuer à s’appuyer sur le redéveloppement d'œuvres anciennes, retourner vers le travail d'Akira Kurosawa n’est pas le plus mauvais des plans. Au milieu du siècle dernier, les films japonais de Kurosawa ont un peu fait figure de magasin de confiseries qu'Hollywood venait piller à l'envi, et sa réputation s'est épanouie du fait de cet échange interculturel : La Forteresse cachée a inspiré Star Wars, ce qui a amené George Lucas à financer ensuite le titre lauréat de la Palme d’or, L’Ombre du Guerrier. Oliver Hermanus fournit ici une imagerie nouvelle, plus classiquement britannique. On voit Williams et ses collègues bien plus jeunes que lui cheminer, austères, sur les quais du train de banlieue qui les amène jusqu'à leur lieu de travail, avec pour nouvelle armure des chapeaux melons et des parapluies, à la place des tenues de soldats qu'ils portaient sans doute encore récemment. S'il faut chercher ici une signature de cinéaste pouvant arriver à la hauteur de la maîtrise de Kurosawa lui-même, elle est dans la facilité avec laquelle Hermanus rend la notion de répression, et dans sa fine perception de la manière dont certaines forces, dans leur rudesse, peuvent empêcher ne serait-ce que de vivre.
D’après CINEUROPA.ORG