Prix du scénario au Festival de Cannes 2022
Avec La Conspiration du Caire, Prix du scénario à Cannes, Tarik Saleh (Le Caire Confidentiel, 2017) réalise un thriller politique rondement mené qui nous piège dans la toile des intérêts tissée entre les pouvoirs religieux et étatique. Un thème universel et criant d’actualité
Le film suit Adam (Tawfeek Barhom), fils d’un simple pêcheur, qui est admis à Al-Azhar, la plus prestigieuse université du monde islamique. Une institution sunnite influente basée au Caire. Peu après son arrivée, le Grand Imam décède, et la succession à ce poste stratégique va faire l’objet d’intrigues mêlant courants religieux et manœuvres d’État. Très vite, Adam va se retrouver piégé dans un jeu qui le dépasse et dont il n’aura d’autre choix que d’assimiler les règles, perdant peu à peu cette innocence teintée de naïveté propre à la jeunesse.
Tarik Saleh propose un film intemporel, car l’histoire aurait pu se dérouler dans un autre temps, dans un autre lieu. L'interdépendance entre l’État et la religion existe depuis l’aube de la civilisation et fait l’objet de bien des complots. La Conspiration du Caire présente cette machination comme une créature rendue presque autonome au fil des siècles, dépassant les protagonistes qui, chacun à leur niveau, jonglent sur le fil d’une épée à double tranchant, tentant de garder le contrôle sans se couper la main. En choisissant le cadre moral très stricte de l’université Al-Azhar, Tarik Saleh offre le théâtre idéal pour ce jeu de faux-semblant.
Le jeune Adam est un prétexte pour nous permettre de démasquer, petit à petit, au départ de son regard innocent, les apparences, les discours, les allégeances… L’action tient en haleine de bout en bout, notamment grâce aux dialogues tranchants comme des poignards. La caméra, quant à elle, offre un œil sans artifice sur cette intrigue qui se dévoile avec intelligence, riche mais limpide pour le spectateur, et soutenue par un jeu d’acteur impeccable. Parmi eux, on peut citer le Liégeois Mehdi Dehbi (vu dans la série Messiah sur Netflix), qui y tient un rôle secondaire, mais toujours aussi charismatique.
GUILLAUME KERCKHOFS, les Grignoux