Elizabeth Banks et Sigourney Weaver brillent dans ce film qui retrace le parcours d’une jeune mère passant de femme au foyer vaguement insatisfaite à praticienne d’avortements militante, faisant évidemment écho à l’actualité étatsunienne de ces derniers mois
Chicago, 1968. Alors que le pays est au bord d’un violent bouleversement politique, Joy (Elizabeth Banks), femme au foyer vivant en banlieue, mène une vie ordinaire avec son mari et sa fille. Lorsqu’elle apprend que sa grossesse peut lui être fatale, Joy se rend dans un établissement médical qui ne veut pas l’aider. Alors que la situation lui semble impossible, elle rencontre les « Janes », une organisation clandestine de femmes qui offrent à Joy une alternative plus sûre — et un véritable changement de vie.
Call Jane fait évidemment écho à L’Événement d’Audrey Diwan, sorti en début d’année, mais l’accès à l’avortement n’est en fait pas le véritable enjeu du film de Phyllis Nagy : ici, il est le point de départ d’un parcours de prise de conscience pour sa protagoniste principale. À l’heure où les États-Unis ont fait machine arrière, plaçant des milliers de femmes face à des choix impossibles et, de fait, à des recours aussi désespérés que dangereux (entrainant la prolifération de réseaux d’avortements clandestins), Call Jane met en images une procédure d’interruption de grossesse pratiquée par un médecin qualifié. Compétent mais vénal, ce patricien de l’ombre n’en demeure pas moins glaçant. Le film ne lésine pas à le montrer réalisant son acte avec professionnalisme, mais sans une once de compassion pour l’être humain subissant cette intervention invasive et douloureuse. Prétextant une fausse couche auprès de son entourage, Joy, marquée par cette épreuve, choisit à son tour d’aider plusieurs femmes dans le besoin. Sous l’impulsion de Virginia (la géniale Sigourney Weaver), elle finit même par rejoindre ce groupe de militantes déterminées à accompagner, sans jamais les juger, toutes les femmes dans cette situation. N’occultant pas les questions économiques et sociales, cette association de bienfaitrices a bien conscience qu’il faut permettre à chaque femme de pouvoir bénéficier de leur assistance d’urgence.
Call Jane dégage une chaleureuse fibre sororale et une bienveillance sincère parsemées de saillies humoristiques sans que jamais le sujet ne soit appréhendé avec superficialité. Particulièrement pertinent dans le contexte actuel, il est l’occasion parfaite de rappeler que seulement six juges de la Cour Suprême américaine ont suffi à mettre un terme en 2022 à la protection fédérale du droit à l’avortement outre-Atlantique. Un tremblement de terre juridique et un bien sinistre moment d’Histoire collective.