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Un Certain Regard - Coup de coeur du jury au Festival de Cannes 2022
Premier film sauvage et impatient, Rodeo nous plonge dans l’univers du cross-bitume sur les traces d’une jeune femme passionnée de moto. Un film qui sent l’essence et les gaz d’échappement dans une réalisation nerveuse et impertinente. Coup de cœur du Jury dans la section Un Certain Regard du dernier Festival de Cannes
Des portes qui claquent, des corps qui s’affrontent dans un couloir d’immeuble. Une dispute, des coups. Au centre de cette pagaille, Julia — moue vénère, visage mangé par les boucles folles de sa tignasse — n’a pas peur de cogner pour échapper aux garçons qui veulent l’empêcher de sortir. Il est question de porte fracturée, de moto volée. La caméra serre les corps et les visages, se coule dans les mouvements de Julia, lui colle à la peau, ne perd aucune de ses émotions, de sa rage, de son énergie. Julia vit à 150 km/h. Sa vie, c’est un mot de deux syllabes : moto. Elle habite avec son frère dans une cité, vit de peu, vole tout ce dont elle a besoin. Même les bécanes, elle les pique au nez et à la barbe de leurs propriétaires trop naïfs. Enfourchant les machines et détalant à toute allure, ivre de liberté, étourdie de vitesse, elle rencontre une bande de motards adeptes du rodéo urbain et tente de l’intégrer malgré les réticences de certains. Mais l’habilité de Julia à se procurer de nouvelles motos intéresse le chef de la bande, qui lui confie rapidement une mission…
Rodeo s’inspire de l’histoire personnelle de la réalisatrice Lola Quivoron, elle-même fan de cross-bitume. Si le rodéo urbain est présent tout le long du film, imprégnant l’atmosphère de pétarades et de motos vrombissantes, la réalisatrice s’en sert essentiellement comme d’un décor pour dessiner le portrait de cette jeune femme sauvage qui entretient un rapport presque animal avec sa moto. La cinéaste ne lâche pas sa comédienne d’un poil. Plans ultra rapprochés, caméra à l’épaule, on est littéralement collé à la peau de Julia, femme dans un mode d’hommes, qui doit vite intégrer les codes de ce nouvel univers pour y faire sa place. Avec son franc parler et sa dégaine un peu sale, elle attire certains et en répugne d’autres. Mais Julia s’en fout, elle ne veut plaire à personne. Y a-t-il de la place pour une histoire d’amour ou d’amitié dans l’univers qu’elle s’est créé ?
Brut et radical, le premier film de Lola Quivoron nous entraîne à toute vitesse dans le monde de Julia, amazone du 21e siècle, dévorée par la fureur de vivre.
LAURENCE HOTTART, les Grignoux
