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Sous la forme d’une lettre à son fils, Hara Kaminara, la réalisatrice, témoigne de son expérience de photographe à bord de l’Aquarius (un bateau ayant sauvé 29.523 personnes en Méditerranée, entre 2016 et 2018) dans un documentaire poétique et émouvant sur le statut des réfugiés et le pouvoir des images
« Je m'appelle Hara Kaminara et je suis photographe d'origine grecque. J'ai voyagé à bord de l'Aquarius à l’occasion de trois missions entre 2017 et 2018 pour capturer en images ce que j'ai vu se dérouler devant moi, au milieu de la mer.
L'Aquarius était un navire affrété entre février 2016 et décembre 2018 par l'association SOS Méditerranée. Il a secouru 30.000 migrants en mer Méditerranée, avant d'être immobilisé pour des raisons politiques et judiciaires, et remplacé en juillet 2019 par un nouveau navire, l'Ocean Viking. Pendant les trois mois que j'ai passés à bord, j'ai vu les sauveteurs et les médecins du navire aider des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants. Dans mon carnet, j'avais écrit : « à tour de rôle, depuis le haut du navire, nous passions des heures à scruter l'horizon à travers les jumelles. Nous cherchions à repérer des points noirs à peine visibles entre les vagues. Ces points étaient des bateaux et à mesure que nous nous approchions, des dizaines et des centaines de silhouettes apparaissaient collées les unes aux autres. Plus nous nous approchions, plus je pouvais voir apparaître des visages horrifiés, des yeux terrifiés, je pouvais entendre de plus en plus fort des prières et des hurlements... ». Pendant les opérations de sauvetage, ma place était sur le canot qui faisait la première approche avec les bateaux en détresse et j'ai été témoin de ce premier contact. Des images et des sons que je ne saurais pas décrire. Une fois les opérations de sauvetage terminées, nous attendions l’autorisation pour débarquer les rescapés dans un port sûr. Cela pouvait prendre plusieurs jours. C’est à ce moment-là qu’on apprenait davantage de leurs parcours et de leurs histoires.
J'ai vu la peur de la mort sur leurs visages et les traces de torture sur leurs corps. J'ai entendu des histoires de viol, de personnes vendues comme esclaves, de personnes kidnappées et tuées, de familles séparées. À partir des photos que j'ai prises lors de ces voyages et pour tenter de parler de cette expérience sur une forme différente, le film Lettre à Nikola est né. Aujourd'hui, 4 ans plus tard, cette histoire est toujours d'actualité. »
Hara Kaminara, réalisatrice
