Sorti en 1962, il y a tout juste 60 ans, le quatrième film de François Truffaut est un hymne à l’amour fou et libre, pionnier dans cette nouvelle manière de narrer
Jules (Oskar Werner), allemand d’origine, et Jim (Henri Serre) se rencontrent à Paris en 1912 et se lient rapidement d’amitié. Ils ont un intérêt commun pour la littérature, aiment jouer aux dominos et partagent leurs conquêtes féminines. La rencontre avec Catherine (Jeanne Moreau) est décisive. Avant que la Première Guerre mondiale ne les force à se séparer, Jules se marie avec Catherine qui élève leur petite fille Sabine. Après la guerre, Jim les rejoint en Allemagne dans leur chalet où ils vivent tous ensemble un amour libre loin des conventions morales…
Quatrième long métrage du réalisateur, Jules et Jim a marqué toute une génération de jeunes gens dans le milieu des années 1960. L’envie de Truffaut était double : adapter de la littérature au cinéma en sortant des carcans classiques usités jusqu’alors (on se souvient de son article Une certaine tendance du cinéma français, qu’il avait publié dans les Cahiers quelque temps auparavant), et présenter le personnage d’une femme qui fait ce qui lui chante de sa vie amoureuse. En ce qui concerne l’adaptation, le cinéaste fait des choix innovants pour l’époque : au lieu de vouloir tout adapter et traduire en langage cinématographique, il choisit de conserver la trame littéraire par le biais d’une voix off qui accompagne toute l’œuvre. Procédé banal aujourd’hui, il l’était moins dans les années 1960. Cette voix littéraire qui accompagne les personnages n’empêche pas le réalisateur de nous livrer une mise en scène très subtile, même si d’un classicisme étonnant pour l’un des instigateurs de la Nouvelle Vague. D’autre part, il parvient à créer l’un des personnages féminins les plus envoûtants du cinéma français : Catherine, d’une grande liberté et d’une grande folie, fascine par son refus d’appartenir à une norme ou de correspondre à l’image conventionnelle de l’épouse. Elle raconte ses nombreuses conquêtes, se fiche de son image de femme légère et s’affiche même avec d’autres hommes devant Jules et Jim. Elle, qui fuit la prison que représente le couple, se retrouve finalement prisonnière de ses aspirations. Cette liberté tant recherchée se retourne alors contre elle, contre eux. Et c’est finalement ce vertige-là que Truffaut parvient à mettre en images : en amour, la liberté peut être le pire des enfermements.