Clovis Cornillac s’empare du deuxième volet de la trilogie Les Enfants du désastre écrite par Pierre Lemaître et entamée avec Au-revoir là-haut. Moins baroque que l’adaptation imaginée par Albert Dupontel en 2017, ce récit d’une vengeance bien pensée nous entraîne dans la France vacillante de la fin des années 1930, aux prises avec la montée du nazisme
"Les Enfants du désastre", la trilogie romantique de Pierre Lemaître (composée de "Au-revoir là-haut", "Couleurs de l’incendie" et "Miroir de nos peines"), raconte cette période de l’entre-deux-guerres au travers de personnages et d’aventures incroyables qui tiennent le lecteur en haleine tout au long des centaines de pages que compte chacun des trois tomes. Fantastique conteur d’histoires et fin analyste de la nature humaine, l’auteur a signé les scénarios des deux premières adaptations.
"Couleurs de l’incendie" s’ouvre sur une scène de funérailles grandioses : celles du banquier Marcel Péricourt (le père d’Édouard, la gueule cassée d’Au-revoir là-haut). Désormais seule avec son fils de 7 ans, Madeleine Péricourt (Léa Drucker) doit gérer l’immense empire financier laissé par son père. Mais la cérémonie qui avait commencé dans la dignité est bouleversée par la défenestration de Paul, le fils de Madeleine. Dévastée, Madeleine peut néanmoins compter sur l’expertise de Gustave Joubert (Benoît Poelvoorde), l’homme de confiance de son père. Celui-ci pourra très certainement l’aider à faire les bons choix et éloigner les rapaces qui lorgnent sur sa fortune. Les mois suivants ne se passeront bien sûr pas comme elle l’avait imaginé…
"Couleurs de l’incendie", c’est l’histoire d’une vengeance, celle d’une femme abusée par les hommes qui vont, sans vergogne, profiter de sa naïveté et de la position de fragilité que l’époque impose aux femmes. Fresque colorée aux personnages fantasques et truculents, le film nous plonge avec beaucoup de plaisir dans cette histoire romantique, qui ose prendre les couleurs d’un pamphlet féministe. Car une fois revenue de ses déboires, Madeleine va se transformer en vraie guerrière. Et si elle est obligée de faire appel aux hommes pour mener sa croisade, elle n’hésite pas à utiliser cette vulnérabilité qui l’a perdue dans un premier temps pour se jouer d’eux.
Clovis Cornillac propose une mise en scène plutôt conventionnelle, mais les personnages imaginés par Pierre Lemaître lui permettent de composer un beau défilé de trognes et de mimiques, voire de situations burlesques bien senties, où Olivier Gourmet (qui interprète le rôle de Charles Péricourt, l’oncle bête et cupide de Madeleine) et Benoît Poelvoorde s’en donnent à cœur joie. L’acteur namurois s’empare d’ailleurs magnifiquement du personnage arrogant de Gustave Joubert, nous sortant un jeu digne d’un de Funès en grande forme : agité, colérique et tellement grotesque. Entre ces ponctuations comiques et le suspense qui s’intensifie au fur et à mesure que Madeleine peaufine son plan, "Couleurs de l’incendie" oscille entre la comédie et le pastiche de film d’époque, plongeant le spectateur deux heures durant dans une parenthèse réjouissante et vitaminée.
LAURENCE HOTTART, les Grignoux